Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
25 août 2018

LIVRE : Un Monde à portée de main de Maylis de Kerangal - 2018

9782072790522,0-5176465Les plongeurs, les médecins urgentistes, les constructeurs de pont... on peut dire que Maylis de Kerangal nous fait découvrir à chaque livre un univers secret et original. C'est encore le cas avec cette cuvée 2018, puisque la dame nous emmène sur les traces d'une jeune peintre qui a choisi le trompe-l'oeil comme credo. Depuis ses études à Bruxelles jusqu'à l'avènement de sa carrière, aux grottes de Lascaux où elle doit reproduire la texture même de la roche, en passant par des stages sur les décors de Cinecitta et chez les milliardaires de Moscou, une plongée dans cet univers méconnu où chaque micro-nuance de couleur a son nom et sa recette de fabrication, où il importe de se nourrir de l'histoire de tel bois ou de telle matière pour en rendre toute l'essence, où l'exigence de travail et la modestie sont de mise. Un milieu idéal pour cet écrivain qui a fait de la richesse de la langue sa spécialité, allant traquer les fins fonds des dictionnaires pour en extraire le terme juste : avec le nuancier de couleur que ce métier utilise, avec la somme de jargon professionnel qu'il induit, avec tous les outils spécialisés dont il se sert, Kerangal a de quoi s'éclater. Et elle  s'éclate, aucun doute : le style foisonne de termes inconnus mais très jolis, le livre semble même réinventer une langue antique, mystérieuse, très intime aussi. On apprend 10000 trucs (parfaitement inutiles si vous êtes comptable, certes) sur ce métier peu connu, et on vibre à l'unisson avec cette peintre de l'ombre, hyper-spécialisée, qui peut se plonger des heures dans la contemplation d'une écaille de tortue ou le moiré d'une roche. D'autant que De Kerangal sait à point nommé insuffler un peu de romanesque dans son documentaire, et faire exister son héroïne : amours hésitantes avec son co-locataire, rapports avec ses parents, et ce strabisme dont elle est affectée et dont elle fera une force.

C'est vrai qu'à force de détails, à force de longues phrases vertigineuses remplies de mots savants, à force de pratiquer des rythmes lents, à force d'user de ce mélange d'austérité (induite par le métier) et de foisonnement de style, la dame peut parfois donner l'impression de se regarder écrire. Passionnée par son sujet, elle se laisse parfois aller à une écriture pompière, remplie à ras bord d'adjectifs, qui nous perd pas mal en chemin. Dommage qu'elle n'ait pas su compenser la densité de son style par des portes d'aération, comme elle sait pourtant le faire si bien parfois. Baste : tel qu'il est, le bouquin est, sinon passionnant, du moins instructif et même très beau par endroits : quand elle décrit le lent travail sur la reconstitution des premières peintures à Lascaux, elle touche à quelque chose de très grand. Un lien par-delà les âges entre les premiers artistes et les ceux d'aujourd'hui, dans la minutieuse description des gestes ancestraux qui se sont transmis à travers les siècles. Un bouquin un poil trop savant et trop écrit, mais de la belle ouvrage tout de même.

Commentaires
Derniers commentaires