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16 avril 2014

LIVRE : La première Pierre de Pierre Jourde - 2013

ob_c4eba373d4d6b592f06aac7541e0bd05_premiere-pierre-jourdeVoyez-vous ça : les paysans alcooliques, obsédés sexuels et semi-demeurés de Pays perdu n'ont pas apprécié la lecture de ce pourtant sublime portrait énamouré de leur bled, et les voilà remplis de haine contre son auteur Pierre Jourde. Celui-ci revient, avec La première Pierre sur les dommages collatéraux qu'a déclenchés son roman de 2003. Et en profite pour méditer sur les réactions effrayantes que peut provoquer la littérature, la part de secrets qu'elle peut révéler même s'ils sont connus de tous depuis longtemps, l'ambiguité de la place de l'auteur vis-à-vis de la réalité, et l'utilité d'avoir pris quelques cours de boxe française quand on écrit sur les gens rudes de la campagne.

Autant Pays perdu m'avait emballé par sa justesse, par sa bonne distance par rapport aux choses, autant cette suite me semble assez inutile et inconfortable. Dicté par des sentiments ambigus (vengeance ? colère ?), très anecdotique dans sa première moitié, le livre semble un de ces machins publiés comme droit de réponse aux droits de réponse aux droits de réponse qui polluent les journaux. On s'en fout un peu de savoir qui le premier a porté la main sur Jourde, pour tout dire ; et même si l'anecdote est vraiment effarante, la narration du quasi-lynchage dont il a été victime à son retour au village n'est qu'une toute petite chose pleine d'amour propre froissé et de colère mal digérée, ce qui a du mal à former de la littérature. Pour un esthète aussi brillant que Jourde, voilà des pages bien moches.

Heureusement, à plusieurs reprises, le gars revient à ce qu'il sait faire : observer, trouver les mots pour exprimer ce qu'il voit, et transformer le tout en une vraie réflexion ample et esthétique sur l'art et le territoire. Comme pour "s'excuser" d'avoir écrit Pays perdu (ce en quoi il a bien tort), le voilà qui se livre à une véritable déclaration d'amour envers ce territoire qui le lui rend si mal. Cette fois, déclaration sans ambiguité, sans ode à la merde et à la crasse : vrai hommage lyrique et musical à la terre, à ceux qui la peuplent et à l'âme paysanne. Avec d'infinies précautions, l'excuse au bord des lèvre à chaque fin de phrase, Jourde se permet bien encore quelques piques et portraits un peu plus acérés ; mais c'est pour bien prouver, l'orgueil en bandoulière, qu'il a eu raison jadis de déifier la misère et la rudesse de ces gens pas faciles à vivre, et que na. La partie "essai", celle qui s'intéresse aux pouvoirs de la littérature, est finalement la plus intéressante ; plus apaisée, plus profonde que le reste de ce livre qui, quand il n'est pas empreint de cette beauté et de cette justesse, s'avère un peu inutile.

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