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4 octobre 2013

Alceste à Bicyclette de Philippe Le Guay - 2013

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Je termine ce mini-cycle "daubes françaises" (commencé avec Au bout du Conte) avec le non moins immonde Alceste à Bicyclette, et après je m'attaquerai au cycle plus vaste "cinéma regardable". Je n'avais pas lu le résumé avant de m'attaquer à la chose, mais j'aurais dû, ça m'aurait évité de regarder le film : Luchini est un acteur retiré à l'île de Ré, mais Wilson vient le chercher pour le convaincre d'interpréter avec lui Le Misanthrope ; les deux larrons vont se livrer alors à une série de répétitions chaotiques qui vont se conclure, hum hum voyez-vous ça, par l'explosion de leur amitié. Vous voyez les écueils ? Vous voyez Luchini éructer les vers de Molière en faisant de grands gestes effrayants ? Vous voyez Wilson s'énerver contre les excès du maître ? Vous voyez la leçon de littérature façon Classiques Larousse pointer son nez ?... Ce sera encore pire : un interminable cabotinage toute à la grande Culture dévoué, où les comédiens rivalisent de rodomontades pour nous prouver leur talent immense, le tout filmé n'importe comment dans une lumière aux néons. Une purge, c'est comme ça qu'on dit.

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En petit prof de français sûr de lui, Luchini surenchérit sur son jeu habituel : il est immédiatement insupportable dans sa façon d'asséner de fausses vérités ("Alceste, le personnage le plus complexe du théâtre français", "Philinte et Alceste, c'est une question d'amitié", ce genre de platitudes) face à un Wilson qui surjoue l'élève sage et appliqué. Bouffant la moitié des alexandrins, il ne s'en prive pas pour autant de nous expliquer par le menu comment il faut prononcer "passi-on" en deux syllabes, tapant sur les doigts de son partenaire dès qu'il essaye de trouver sa place. Wilson, du coup, tente aussi le cabotinage (comment croire un seul instant qu'un comédien de sa notoriété puisse jouer aussi mal le rôle d'Alceste ?), mais l'autre prend toute la place. Même silencieux (au moins, on se repose deux secondes), Luchini reste à chier avec ses mines d'ahuri usées jusqu'à la corde. Le pire est qu'on essaye de nous faire croire que c'est comme ça que se déroulent les séances de répétition au théâtre : ça prouve bien que Le Guay n'a jamais dû mettre les pieds sur un plateau ou observer le travail d'un comédien.

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Il n'a pas dû aller très souvent au cinéma non plus, vu l'horreur de sa mise en scène. Le montage est tellement maladroit qu'on devine tout de suite le "procédé" employé : on filme de longues séquences sans couper (sinon Luchini se mettrait en colère et ne pourrait pas déployer son jeu si subtil) plusieurs fois, et sur la table de montage on ne garde que les expressions marrantes et les "grands moments" conservés sur le matériau obtenu. Le résultat est un chaos de plans disparates, un montage-cut sans queue ni tête, qui ne laisse jamais le temps à une séquence d'exister pleinement, une sorte de "best of" de chaque réplique collées les unes aux autres au petit bonheur. Cohésion, esthétique, points de vue ? que ? pour quoi faire ? Il importe bien plus de capter la dernière trouvaille de son comédien plutôt que de tenter de faire un film qui se tienne. Pour tenter de ne pas s'enfermer dans le "théâtre filmé", il s'offre de fréquentes récréations le long de la mer ou dans les restos du coin, mais c'est filmé avec une telle pauvreté de regard, dans une lumière si sordide, qu'on n'a qu'une envie : retourner s'enfermer avec Molière, et Dieu sait pourtant si on déguste dans ce cas-là aussi. Sauvons, si on veut, une seule scène, plus par son intention que par son résultat concret d'ailleurs : une actrice porno, dont les gars sont tout prêts à se gausser, qui lit soudain Le Misanthrope avec talent (soit-disant en tout cas, parce que la comédienne est assez nulle), scène qui tout à coup prend des allures d'auto-flagellation de la part de Le Guay : quand on attaque le texte simplement et sans ce bagage culturel poussiéreux, on peut peut-être y trouver de la beauté. Une seule scène un peu inspirée pour 1h45 de massacre littéraire, théâtral et cinématographique, c'est peu. Je vais chercher sur terre un endroit écarté / où ce genr' de nanar je pourrai éviter.

Commentaires
L
Je n'ai pas vu ce film, mais votre critique confirme tout le mal que j'en pense après avoir vu les "Femmes du septième étage" du même réalisateur (je me trompe peut-être d'étage mais si je voulais être méchant, je l'appellerais : Les femmes du trente-sixième dessous, ce qui serait quand même exagéré). <br /> <br /> <br /> <br /> Plus généralement, ce qui est symptomatique de ce cinéma français et pas seulement de la "comédie", est un mépris total pour la crédibilité, pour l'histoire qu'on prétend raconter, pour un minimum de consistance des personnages. <br /> <br /> Dans "Les femmes"… il y a notamment un dialogue inexplicable ; Lucchini joue un bourgeois qui va s'ouvrir à l'humanité en fraternisant avec les fameuses bonnes du septième (et en ne pouvant pas s'empêcher de finir par coucher avec la plus jolie parce que bon, quand même)… Or quand le dragon qui servait de gouvernante à sa famille est remplacé par un genre de Penelope Cruz (mais encore plus jolie), un de ses fils qui voit ce changement d'un mauvais œil, déplore (s'adressant à son frère) de ne jamais avoir vu le dragon "à poil" !<br /> <br /> C'est dit sans que le personnage semble faire de l'humour. Mais nous sommes dans un film où une très belle domestique espagnole peut tomber amoureuse d'un personnage falot joué par Lucchini… <br /> <br /> Nombre de films français grand public de ces deux dernières décennies affichent ce mélange d'autosatisfaction (pour les copieuses leçons de bons sentiments qu'ils distribuent) et d'inconséquence totale, sans oser verser dans l'absurde ou la fantaisie et en se prenant donc détestablement au sérieux.
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