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25 mars 2013

LIVRE : Contes des Mers du Sud (South Sea Tales) de Jack London - 1911

Jack-London-contes-des-mers-du-sudA mon avis, il est vital de s'injecter une petite dose de Jack London à intervalles réguliers. Ca permet d'une part d'être heureux, et d'autre part de vérifier qu'on n'a pas besoin de grands mots pour écrire de grands textes. L'écriture du bougre, dans ce recueil de nouvelles, est comme à son habitude simple, faite de peu de mots, rapide et sans ambition démesurée ; mais elle est admirable de souffle, de précision. Même la traduction parvient à faire passer ce lyrisme discret, cette immensité de vue qui se cache sous l'épure. Rapides (ce style presque hâché, ces paragraphes de deux phrases maxi), violentes et trépidantes, ces huit petites incursions dans le monde cannibale du XIXème siècle sont toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Qu'il s'agisse de décrire la brutalité terrible des colons ou celle sans pitié des indigènes (l'ensemble est très raciste, oui, mais re-situons, hein, et reconnaissons que l'homme blanc n'obtient pas beaucoup plus de respect de la part de Jack que l'homme noir), London dresse un portrait effrayant des moeurs de ces petites îles de l'époque : on y voit des gars bouffés sans vergogne par ceux qui leur ont serré la main juste avant, des maîtres blancs abuser de leur domination à grands coups de fouet et de "moufles en peau de requin" (ça a pas l'air sympa au toucher), des malédictions, des décapitations, des trahisons, des arrangements financiers louches, des évangélistes assommés à coups de massue, et pour tout dire aucune trace de grandeur humaine ou presque. Si les humains ont peu de vertu aux yeux du grand Jack, la nature est, elle, décrite avec majesté : la plus belle nouvelle, "La Maison de Mapouhi", raconte une tempête dantesque, et on a rarement eu ainsi l'impression d'être plongé au coeur du chaos ; longue scène haletante où des grappes d'hommes, de femmes et d'enfants, attachées aux cîmes des arbres, sont balayés par les vagues et les vents, dans une apocalypse parfaitement décrite (on entend les bruits et les cris, je vous jure). Même quand les contes sont plus "humoristiques", comme cette course sans fin d'île en île pour trouver un ancrage ("La graine de McCoy"), ou cette blague faite à un jeune blanc-bec pour le dégouter de ses projets de colonisation ("Les terribilissimes Îles Salomon"), tout baigne dans un climat de violence irrépréssible, tout est rude, âpre et sans échappatoire. Dans le Grand Nord déjà, London montrait le combat pour la survie de façon radicale ; en venant au soleil des Mers du Sud, il ne perd rien de son amertume et de son style sur-viril (et pourtant hyper-sensible). Un grand livre, forcément, comme tous les livres de Jack London.

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