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23 avril 2021

LIVRE : L'Île des Lépreux (The House of pride and other tales of Hawaii) de Jack London - 1912

s-l400Toujours un bonheur total de retrouver à intervalles réguliers la plume de Jack London. Dans la droite lignée de ses Histoires des Îles, il nous offre ici un nouveau lot de nouvelles venues d'Hawaii et des îles paradisiaques qui le jouxtent. Mais contrairement aux premiers, ces textes-là sont beaucoup plus sombres, marqués par la mort et la séparation, en gros frappés par la lèpre, horrible maladie qui semblait faire des ravages à l'époque dans les coins. Chaque nouvelle commence ici dans la douce tiédeur du climat exotique, dans la volupté totale de cette mer d'azur, puis vrille peu à peu vers des motifs beaucoup plus morbides : sacré Jack, qui dose avec infiniment de subtilité ce passage du paradis à l'enfer, sans en avoir l'air, en restant toujours d'une modestie exemplaire. A ce titre c'est la sublime nouvelle du milieu de recueil, "Aloa Oe", qui est la plus belle : un homme décrit le bonheur incroyable de ces lépreux contraints de s'exiler sur une île voisine pour y mourir, cette île correspondant pour lui à une sorte d’éden bien préférable à leur vie de famille ; mais quand il apprend que la beauté locale, une chanteuse d'opéra célèbre, est atteinte du mal et doit elle-même s'exiler, il se rend compte de la douleur qu'il y a à se séparer de ceux qu'on aime, et le texte se termine par une douloureuse introspection muette (magnifiquement rendue par la retenue du style de London). Il y a comme ça, dans ces textes, la marque subtile mais prégnante de la maladie derrière chaque moments de joie, chaque douceur de la nature : comme la lèpre fleurit très lentement sur un visage (très belles notations sur l'avancée du mal sur un homme en pleine santé), le motif de la mort vient envahir littéralement chaque mot. Quand on dit que London  n'a pas de style, ça fait sourire... Autre constante dans ces nouvelles, qui là aussi vient casser l'image d'un London raciste, ou en tout cas suprémaciste : la profonde compréhension du peuple ilien, et notamment de l'ostracisme dont il est victime de la part de ces blancs satisfaits qui les dirigent et les spolient sans vergogne. L'interdiction d'épouser une métis ou le tabou des mélanges inter-raciaux, par exemple, scandalisent notre bon Jack, qui écrit une sorte de manifeste politique (ressortant de temps en temps ses indignations pro-communistes) pour le réhabilitation de ce peuple pacifiste et magnifique des îles. Et on se rend compte que ce recueil, au final, est bien plutôt une harangue politique qu'un livre d'aventures comme London sait nous en offrir de temps en temps : une diatribe pour la réhabilitation des petits et des sans-grade que forment ces métis et ces lépreux oubliés de Dieu. Que voulez-vous que je vous dise ? Encore un grand livre de London, et puis c'est tout.

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