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23 février 2017

LIVRE : L'Appel du Monde sauvage (The Call of the Wild) de Jack London - 1903

9782070146475,0-3422880Cinquième ou sixième relecture de ce roman fondateur, à l'occasion de la superbe nouvelle traduction de Marc Amfreville et Antoine Cazé dans la Pléiade. Les deux bougres s'en tirent magnifiquement, sortant enfin le roman des versions légèrement édulcorées de la littérature enfantine, et lui rendant toute sa sauvagerie, toute sa profondeur cosmique. Toute la puissance de London est là : avec 300 mots, en racontant une histoire vue du point de vue d'un chien, il parvient à atteindre une grandeur et une richesse incroyables, rendant chaque détail de sa trame non seulement crédible, mais en plus immense, noble, fort. Buck est un chien de compagnie paisible, jusqu'au jour où, volé, il est vendu à un attelage de chiens de traineau partant pour la ruée vers l'or. Au gré des maîtres, violents, inconscients, maladroits ou aimants, il va redécouvrir ce qui, en lui, résonne de sauvagerie, et peu à peu passer vers l'autre rive, celle des loups, celle de la violence dopante, celle de la solitude.

Magnifique histoire que London narre en se mettant toujours du côté de l'animal. Il faut dire que la frontière entre le monde animal et le monde humain est floue, les gusses se comportant souvent pire que les bêtes. Rivalités entre chiens, survie en milieu hostile, défense contre les hommes, Buck va subir, dans ce récit d'apprentissage à l'envers, toutes les avanies, et va se relever de toutes. Le plus fort, c'est que London ne cède jamais à un anthropomorphisme naïf : son héros ressent des émotions toutes animales, toutes instinctives, et l'auteur arrive à mettre des mots, simples, directs, sur ces émotions. La nature est regardée dans toute sa splendeur, toute sa désolation, et le lyrisme employé est sec, même si constamment présent. Qui mieux que London pour mettre ainsi des mots sur de pures sensations, sur le mystère de la nature, sur les impressions d'un chien ? Lui connaît parfaitement les bêtes, décrit à la perfection leurs postures et leurs comportements, mais connaît tout aussi bien les hommes, leur brutalité, leurs rivalités, leurs absences de pitié. Les deux camps survivent ensemble au milieu du rien, de la glace fragile et des -50°F, et le gars London enregistre ça dans la grandeur. On aimerait citer toutes les phrases, tant toutes sont merveilleusement équilibrées (le gars est capable d'écrire un truc implacable genre : "John Thornton est mort.", et d'enchaîner avec des phrases qui doivent tout à la poésie naturaliste la plus lyrique) ; mais on vous conseillera plutôt de vous ruer sur ce livre ramassé comme un chien prêt à vous bondir à la gorge. Un chef-d'oeuvre incommensurable, oui, messieurs-dames.

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