LIVRE : La Muraille invisible (Brandvägg) de Henning Mankell - 1998

Grande satisfaction encore une fois devant ce solide polar du gars Mankell. Après en avoir lu pas mal, je me rends bien compte que tous ses bouquins sont les mêmes, avec la même construction de récit, quasi-les mêmes péripéties, cette façon de distiller des informations capitales comme si de rien n'était... Mais le fait est qu'on fonctionne toujours, même si La Muraille invisible est peut-être un peu plus maladroit dans son récit : est-ce à force de fréquenter depuis longtemps le commissaire Wallander ? En tout cas, je n'ai pas été dupe de ces petits indices qui font tout pour ne pas qu'on les remarque, et j'avoue avoir résolu l'enquête bien en avance sur le commissaire. Erreur de la part de Mankell d'avoir choisi, à mi-chemin de son intrigue, de nous présenter le coupable et ses motivations : du coup, la seconde moitié du bouquin repose plus sur la manière dont Wallander va le coincer que sur la plus excitante résolution de l'intrigue policière. Dommage, car Mankell n'est pas avare en mystères opaques : un meurtre gratuit commis par deux adolescentes, une grosse tête de l'informatique dont le cadavre est dérobé à la morgue, un complot contre la Banque Mondiale, un gigantesque sabotage contre une compagnie d'électricité, et j'en passe. Le puzzle est ardu, il y a un rebondissement par page, et on est tenu sans problème par l'intrigue. D'autant que, comme à son habitude, Mankell sait aussi dessiner des histoires plus intimes (ici, Wallander qui cherche une compagne, des tensions internes au sein de l'équipe de policiers, une amertume due au vieillissement du commissaire) et ne sacrifie jamais l'énigme aux personnages. Toujours apprécié ce personnage principal franchement réac et dépassé par le monde qui l'entoure, ou ce pro de la fouille au caractère bougon, ou ces bras-droits impressionnés par le génie du commissaire : ils sont tous là, plus d'autres assez marrants et bien troussés. Du bon boulot carré, que d'aucuns trouveront peut-être avec raison légèrement trop formaté, mais qui remplit sa tâche : vous raconter avec talent une histoire retorse qui ne se résoud qu'à la dernière ligne de la dernière page.