LIVRE : Un Paradis trompeur (Minnet av en Smutsig Ängel) de Henning Mankell - 2011

A partir d'un filet d'intrigue "réelle" (l'histoire d'une suédoise ayant dirigé un bordel au début du XXème siècle dans ce qui allait devenir le Mozambique), Mankell développe toute une aventure humaine. Il revient sur l'enfance de la donzelle en ses terres d'origine dans le froid et sans pater, son premier voyage "dans la ville" pour fuir la famine, son embarquement sur un navire en direction de l'Australie, son premier mariage à la sauvette sur ledit navire et son veuvage dans la foulée, son établissement au "Mozambique" et les diverses circonstances qui font que l'on finit par diriger un bordel malgré soi… Si l'on est dans le romanesque au niveau des multiples rebondissements, Mankell écrit "à l'écomonie" - phrase courte, sèche, efficace - s'attardant avant tout sur une poignée de thématiques : la solitude de notre héroïne, Hanna, qui se retrouve aux antipodes du « climat » de sa terre natale, ses relations avec la population locale (un mélange paradoxal de défiance et d'empathie), son évolution sociale et son désir de bien-faire en terrain "hostile". On sent que Mankell ne cherche pas le "politiquement correct" en dressant forcément des autochtones un portrait angélique. Toute la difficulté de notre suédoise est de chercher à compatir avec cette population locale souvent misérable dans un contexte particulièrement tendu entre "colons portugais" profiteurs et autochtones méfiants. Hanna, avec toute la bonne volonté du monde, sent bien qu'elle ne pourra jamais être considérée autrement que comme une étrangère par cette population au comportement erratique, imprévisible (au moins à ses yeux d’Européenne)... S'il lui arrive de tomber dans le piège relationnel dominant-dominé, elle tentera, dans un ultime sursaut de racheter sa conduite. Pour tenter d'y trouver quoi exactement, au final, là est la question. Un bouquin de Mankell qui, comme d'hab, se lit quasiment d'une traite ; un livre sans doute un peu plus "léger" au niveau des analyses psychologiques des personnages principaux mais qui réussit la gageure de nous plonger dans cette époque et en ces lieux sans avoir à multiplier les descriptions fastidieuses : l’écrivain semble plus intéressé par l'idée de capter "l'atmosphère" de cette période et il le fait avec un certain brio. Valeur sure.