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25 avril 2010

LIVRE : Commentaire autorisé sur l'Etat de Squelette d'Eric Chevillard - 2007

Sans_titreChevillard excelle souvent dans les textes courts. Commentaire autorisé sur l'Etat de Squelette est un recueil de petites nouvelles (appelons ça comme ça faute de mieux) caustiques qui rendent bien compte de la précision sémantique et stylistique du bonhomme. Jouant sur le "pratiquement rien" qui se transforme peu à peu en tragédie ordinaire, voire en curieuse poésie morbide, ces textes ont tous en commun une vision glaçante de l'humanité, une manière de traiter la mort, la vieillesse, la déreliction des corps, avec un humour noir parfois impressionnant (on pense souvent au Calaferte de Promenade dans un Parc). De nombreux textes sont parfaits de tenue, de finesse, de minutie : la description d'un couple de danseurs fusionnant avec le regard du spectateur, sous un déluge de pluie qui transforme cette simple description en enfer dantesque immense ; la folie qui réside dans le fait de se retrouver dans la même pièce qu'un joueur de clavecin du même âge que soi (oui, les inspirations chevillardesques sont absurdes, mais il parvient là à toucher du doigt la démence intrinsèque de la vie et du hasard, à travers une anecdote absolument dépourvue d'intérêt a priori) ; ou encore cette saynette où une vieille dame choisit un chiot dans une boutique, le condamnant irrémédiablement à une vie médiocre de toutou de salon. Il y a une multitudes de phrases qui forcent le respect par l'imagination qu'elles mettent en évidence. C'est la plus grande qualité de Chevillard depuis toujours, l'imagination, et franchement il n'y a que sous sa plume qu'on peut trouver une sentence telle que : "Celle qui parle en désignant l'animal d'un doigt blanc et bleu (un os et une veine), enflé aux articulations, un peu croche et terminé par un ongle jaune à facettes, est une vieille femme ou sa momie, ou peut-être sa mère, une très vieille femme, comme engagée déjà dans le prochain siècle, avant tout le monde, bien souvent veuve depuis l'âge mûr et dont le premier mari fut peut-être l'astucieux charron qui fit les roues rondes..."

Mais, comme parfois, la virtuosité d'écriture est aussi ce qui fait obstacle à Chevillard, qui tombe assez souvent dans la pure ivresse de style, dans l'exercice un peu vain. Certaines nouvelles semblent tourner en rond, se retirer devant l'exercice, et deviennent du coup de pénibles jeux de grammaire qui sentent la roublardise : la nouvelle-titre, notamment, conclut le livre sur une impression d'écrivain qui se regarde écrire, sur un numéro de haute voltige stylistique qui éblouit mais a tout du pétard mouillé. Environ un texte sur deux est victime de ce savoir-faire trop conscient de lui-même, et c'est bien dommage quand on connaît la puissance du verbe chevillardesque quand il touche à un vrai sujet (Choir, son chef-d'oeuvre). Trop talentueux, le père Eric...

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