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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
25 avril 2010

Au Début (Skizbe) d'Artavazd Pelechian - 1967

vlcsnap_2010_04_25_18h50m38s243Aucun doute, Pelechian est devenu ma nouvelle idole, et ma découverte de son premier film (Au Début, bien nommé donc) ne fera rien pour inverser la tendance. On est dans l'expérimental pur avec ce film de montage qui rappelle les premières tentatives rythmiques de Dziga Vertov ou les films de propagande soviétiques des grandes années. Ce court-métrage est une tentative impressionnante de rendre compte d'un état "infernal" du monde, à travers les rythmes, les heurts d'images et de plans. On comprend pourquoi Godard adore Pelechian : avec lui, sa pensée comme quoi "le cinéma, ce n'est pas une image à la suite d'une autre, c'est la troisième image créée par le rapprochement des deux" (citation totalement inexacte, mais l'esprit y est) trouve ici son plus bel achèvement. On y assiste à un chaos de plans, "volés" à des documentaires, à des images d'archive, à des extraits de fiction, qui dessinent un monde totalitaire et effrayant : beaucoup de foules qui courent, de heurts entre personnes, de violence physique (manifestations réprimées dans le sang, un homme en feu, des matraques qui cognent, des gens qui fuient), qui forment une sorte de musique mortifère hyper-rapide et saccadée, à la limite du subliminal. Les plans semblent sortis de centaines de sources différentes, dans le monde entier (des Arabes, des Noirs, des évocations du nazisme ou du stalinisme), enfonçant avec une violence totale le clou de l'universalité de la répression armée et policière, de la souffrance des hommes.

vlcsnap_2010_04_25_18h52m15s193Certes, le portrait de notre monde n'en ressort pas tout blanc, et cette plongée dans la brutalité de l'univers vous laisse proprement lessivé. Mais au-delà du sens du film, assez opaque, on est sidéré par sa forme, par cette virtuosité incroyable dans les tempos et dans les correspondances d'images : on reste en apnée pendant ces 9 minutes, interoqué par la science de Pelechian de faire coller ensemble la musique et l'image, ce qu'on voit étant tout autant rythmique que ce qu'on entend. Arrêts sur image, accélérations, ralentis, répétitions des mêmes plans, Pelechian constitue une vraie symphonie visuelle, qui culmine avec ce cadre final bouleversant (qu'il réutilisera d'ailleurs dans Nous) sur un enfant au regard interloqué et interrogatif qui regarde la caméra. Dans cette dernière image qui choque par sa longueur après le hâchage systématique qui précède, on lit toute la douleur du monde, et ça finit de vous achever tout à fait. Aurais-je trouvé le Godard arménien ?

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