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14 février 2009

Chaussure a son Pied (Hobson's Choice) (1954) de David Lean

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On aura définitivement toujours le don, en France, de trouver le titre le plus ridicule possible pour un film anglo-saxon. Non point qu'il soit, cela dit, tout à fait hors de propos puisque le héros de notre histoire, le ventripotent et amazing Charles Laughton, est vendeur de godasses de son état et que ses filles cherchent à se marier. Il s'agit donc d'un double jeu de mot d'une énorme subtilité qu'il faut savoir apprécier comme il se doit...

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Mais revenons à nos moutons. Bon, autant le dire tout de suite, Laughton est proprement extraordinaire dans ce rôle de petit patron de commerce : dictatorial avec ses trois filles, avant que l'une ne se rebiffe - celle qu'il ne veut point marier, l'aînée, la plus revêche, qu'il veut garder à ses côtés pour s'occuper de lui et du magasin -, grand déconneur alcoolique avec ses potes du quartier, Laughton joue un personnage affable, grande gueule, loin d'être sympathoche, un genre de baleine ivre qui voudrait tout emporter sur son passage. Seulement sa fille Maggie est une vraie donzelle de fer : comme son père se gausse d'elle méchamment en lui disant qu'elle ne pourrait, de toute façon, trouver un mari - chaussure à son pied donc, lol -, à trente ans passés et vu son caractère, cette dernière va tenter de retourner la situation en un tour de main. Une vraie et grande leçon de féminisme en action avec notre Maggie qui prend sous le bras le meilleur artisan de son père - un gars poltron et po vraiment attiré par la tornade Maggie - et le convainc en deux temps trois mouvements qu'elle représente bien pour lui le meilleur parti possible. Ce dernier n'a pas le temps de dire ouf qu'il est marié et propriétaire d'un magasin qui va marcher du feu de Dieu. Pendant ce temps-là, notre Charles continue de picoler sa mère et lors d'une soirée d'anthologie à tenter d'attraper la lune dans les flaques d'eau (une baleine qui saute à pied dans une bassine, voyez? ben c'est Laughton, absolument énorme) il se vautre comme un malpropre dans une cave entrouverte - une chute de dix mètres, au moins, heureusement qu'il a du gras. Sa fille aînée va profiter de la situation - ses petits méfaits alcooliques lui valant un procès - pour lui prouver que c'est bien elle qui porte la culotte, aidé par son poltron de mari qui déploie peu à peu ses ailerons.

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Les trois comédiens principaux sont absolument irréprochables, pleins d'énergie et d'abattage pour le père et la fille, d'hébétude et de candeur pour le mari de cette dernière. Leane, même dans les séquences confinées dans les arrière-salles des magasins, parvient à booster son montage et à varier ses cadres à la perfection pour donner un vrai rythme à son oeuvre. Il nous gratifie de quelques travellings de toute beauté en glissant ses rails et sa caméra derrière le comptoir, alors qu'il n'y a même po la place pour un demi-Laughton. Ce dernier joue à la perfection de sa mauvaise foi masculine et de son physique de bouledogue soupe au lait pour tenter d'imposer la loi. Seulement il tombe définitivement sur plus fort que lui : le XXème siècle est déjà féminin. Lean filme également une société en pleine mutation avec un Laughton sûr de son influence et de son nom qui regarde de haut (littéralement, puisque l'artisan bosse en sous-sol) son employé. Celui-ci, managé à la perfection par la gâte Maggie, va lui prouver grâce à son taff et son mérite que le temps où on pouvait encore se reposer sur ses acquis est bel et bien terminé. Une belle morale marxiste au sens pur (oui, j'avais envie d'employer le mot, cherchez pas), comme on les aime. Sans avoir encore à maîtriser de grands espaces et des budgets colossaux, Lean prouve tout son talent de cinéaste dans l'espace exigu d'un boutiquier et grâce, également, à une distribution de choix.          

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