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15 octobre 2007

L'Homme qui en savait trop (The Man who knew too much) d'Alfred Hitchcock - 1934

4795_2Bien sûr, on a tendance à comparer cette mouture de 1934 avec le chef-d'oeuvre de 1956, et de ce point de vue-là, c'est évident que la comparaison est au désavantage de la première. Hitch prend moins le temps de décortiquer son intrigue et de faire monter la sauce, et du coup The Man who knew too much 1934 est un peu court en bouche, passe trop vite, et n'atteint jamais la profondeur de son remake. Pour en finir avec les comparaisons, notons que  : la fameuse scène de l'Albert Hall, insoutenable de suspense dans la deuxième version, est ici un peu sacrifiée, malgré une très habile mise en scène de l'espace et une belle direction de l'actrice ; que la Suisse ne vaut pas le Maroc, et que du coup la scène d'exposition manque un peu de l'exotisme réjouissant que Bouddha trouvera plus tard ; et qu'il manque moult autres idées présentes dans la version 56, comme la chanson ("Que sera sera") qui apportait une émotion précieuse à la relation entre la mère et son fils, ou cette tragédie qui se dessinait sous la légèreté du polar, presqu'abolie ici au profit de l'humour pur et dur.

sjff_03_img1197Ceci dit, et considérant la version 1934 telle quelle, on a encore droit à un immense Hitchcock. Il réalise ici un des ses films les plus "anglais", avec un humour parfait qui le fait même parfois abandonner sa trame pour le simple plaisir du petit gag ou du bon mot : c'est une pelote de fil qui se déroule au milieu d'un groupe de danseurs, c'est un petit personnage craquant de maladresse qui veut aider et se retrouve dans tous les mauvais coups, c'est le flegme de l'acteur principal qui garde son calme et ses astuces à deux balles même un revolver sur la tempe ; et c'est surtout une série de sorties satiriques du meilleur effet dans la scène de l'église : on y voit quand même une vieille dame indigne, préoccupée par le repas de son époux, et qui fait passer la sébille de la quête pour récupérer des flingues, on y voit aussi des braves garçons qui s'envoient des prie-dieu à la tronche, ou qui détournent des chants religieux pour se transmettre des mots de passe. Côté taquineries, Bouddha est au taquet, et le film est vraiment drôle. Il en profite pour écorner au passage toutes les institutions anglaises, église donc, mais aussi police (tellement pacifiste qu'elle manque d'armes face aux bandits) ou bon goût esthétique (le concert continue de plus belle après que le ministre se soit fait buter).

man_who_knew_420Pourtant, au creux de ces blagues de potaches, il y a de vrais moments d'émotion, de gravité, qui apportent un contrepoint très troublant à ce style primesautier. La rage rentrée de l'enlèvement de la fillette, au coeur d'une nuit d'hiver silencieuse ; la mort de la femme de Peter Lorre, moment suspendu où le vilain trouve subitement un visage humain ; les deux flics tués pendant la fusillade, l'un avec une brutalité totale alors qu'il vient de faire le malin devant ses collègues, l'autre après avoir rêvé d'un bon lit chaud auprès de sa femme ; les larmes d'Edna Best, incapable de faire un choix entre sauver sa fille ou déjouer un attentat... Tous ces petits détails affirment une fois de plus la grande sensibilité d'Hitch, et on est scié par l'incompréhension de ses contemporains qui ne voyaient en lui qu'un amuseur.

Man_20who_20knew_20too_20much_20titleEt puis il y a une petite scène qu'on ne peut s'empêcher de relever, même si elle ne paye pas de mine au milieu de ce processus : dans l'église, une séance d'hypnose filmée en caméra subjective, sorte de cahier des charges hitchcockien en ce qu'elle dévoile les vraies motivations du cinéaste : nous prendre dans ses filets par la fascination, affirmer le cinéma comme une séance d'hallucination collective. Les méchants du film ne cessent de ses servir du spectacle pour cacher leurs actes au grand public (tirer le coup de feu sur le summum d'une symphonie pour en cacher le bruit, chanter des chants liturgiques pour masquer les agissements terroristes, se servir d'un bal pour buter un espion), voilà qui pourrait bien être un programme du cinéma hitchcockien dans son ensemble. Pas mécontent de ma thèse.

 

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