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31 janvier 2024

LIVRE : Le Bercail de Natyot - 2024

2f1b3802590ee339c0e47db743ad6cf0b73b4ffc5baf52e8cf1f197461199575On ne change pas une foldingue qui gagne : le nouveau livre de Natyot est bien barré, d'une profonde originalité et complètement indéfinissable, gloire à elle. Attention : dinguerie ne veut pas dire je-m'en-foutisme. Le Bercail est sûrement son livre le plus maîtrisé, que ce soi au niveau de la trame qu'au niveau du style, et derrière la singularité de l'écriture, on sent une styliste, une maîtresse des mots qui lui vient sans doute de ses accointances avec la poésie et la chanson. Ce livre pourrait d'ailleurs être considéré comme un livre de poésie (il est signé de son nom de poétesse, non de celui de romancière), tant il utilise le style pour dévoiler son fond, et non l'inverse. Bon, il est vrai que, bizarrerie oblige, le fond ne se dévoile pas vraiment complètement, et qu'on reste un peu face à un mystère à la lecture de cet objet. Mais c'est ce qui en fait le charme, indéniablement.

Une femme rentre chez elle après 10 ans d'absence. Elle y retrouve les lieux de sa jeunesse, les habitudes d'une petite ville endormie, et surtout elle y retrouve ses deux parents, Péremère, après une rupture dont on ne connait pas les tenants. Qu'est-elle venue chercher là, dans cet endroit où elle est un peu indésirable, tant la vie des deux vieux, réglée comme du papier à musique, est troublée par l'arrivée de ce personnage fantasque, insaisissable "dangereux" même pour la tranquillité de la ville ? On ne le saura pas vraiment, il nous faudra le deviner, et puis tel n'est pas le but : le passage éphémère de "Fifille" chez ses parents prendra des airs d'ange de Théorème de Pasolini, et agira comme un révélateur de sentiments qu'ils se cachent, de parole non prononcée, de pulsions tues. En tout cas, ses agissements viennent gentiment secouer les atavismes de la famille, et déranger la quiétude des deux vieux : elle semble porteuse d'une vérité secrète qu'ils ne souhaitent pas voir dévoilée, et cela charge de tension le roman, qui est certes fantasque et assez drôle (d'un humour noir, presque morbide), mais est surtout assez dérangeant. On ne sait jamais quelles vont être les réactions de cette femme qui squatte ce lieu comme une tâche qui ne part pas. A la fois réparatrice et accusatrice, sa présence gène autant qu'elle libère : si elle ne dévoile pas réellement ses intentions, elle aura au moins servi à secouer le cocotier. Les phrases courtes, simples, nettes, fabriquent une musique irrésistible, et on se sent englouti par cette prose hyper rythmée et fluide. Natyot sais utiliser un champ lexical très épuré pour raconter des choses complexes et sombres, les secrets de famille, les liens du sang, l'impossibilité de se couper de ses origines. Curieux machin, mais bien beau, ma foi.

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