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24 juillet 2021

LIVRE : Ils - Défaut de langue de Natyot - 2021

9791096861408,0-7385439C'est toujours un plaisir de retrouver Natyot, dont les talents, du roman à la biographie, s'étendent de plus en plus. C'est malgré tout dans la poésie qu'on la préfère, et l'arrivée de ce joli recueil aux éditions La Boucherie Littéraire est donc une excellente nouvelle. Comme elle le précise dans sa postface, c'est dans l'interstice de flou où se situe le pronom "Ils" qu'elle situe sa réflexion cette fois-ci : pronom masculin employé pourtant pour désigner aussi bien un groupe d'hommes qu'un groupe mixte, il constitue donc un défaut de langage qui, si on le creuse un peu, peut aboutir à une bel exemple de creusement du mot lui-même. Tous les poèmes de ce recueil nous décrivent donc dans le plus simple appareil possible les activités de ce "ils" : le travail, le sommeil, la promenade au parc, les vacances, le métro, le spectacle, etc. Si certaines de ces activités souffrent sans problème la "mixité" du mot, d'autres affrontent vraiment, et presque malgré nous, le problème du genre : l'accouchement tient sur le fil, mais la chasse, le viol, la bagarre sont éminemment masculins. Ainsi Natyot interroge nos clichés, nos réflexes ataviques, tout en questionnant sans en avoir l'air l'idée de genre... pour mieux, dans le dernier texte, nous enterrer tous, sans distinction de sexe. A la fois ludiques et étranges, à la fois banals et brillamment observés, ces poèmes très toniques, rythmés aux petits oignons, finissent par ne parler tout simplement que d'une chose : l'humanité, prisonnière de ses habitudes, d'activités toujours recommencées et un peu absurdes qui occupent toute la vie avant qu'on ne finisse au trou. Certes, ce n'est pas toujours d'une profondeur mirobolante, et on peut regretter qu'une fois son concept posé, Natyot cesse de s'intéresser vraiment au langage, au travail sur lui : Ils est léger, bien observé, assez drôle, intéressant, mais ce n'est malheureusement pas dans la poésie pure qu'il faudra y trouver son plaisir. Par contre, on imaginerait assez bien ce que la dame pourrait en faire si elle mettait ces pièces en musique (ce qu'elle pourrait tout à fait faire vu son travail de scène) : ces textes "du quotidien", qui ne font que décrire nos petites vies communes, qui travaillent finalement sur notre socle commun (naissance-travail-divertissement-enfants-mort), ont une énorme musicalité, claquent comme du Tom Waits. Natyot, à travers ces rythmes minutieusement pesés, a le don d'appuyer sur nos petites existences pas glorieuses et de les transformer en expérience collective ; on ne peut que se reconnaître dans ces minuscules tranches de vie ordinaires, et on s'incline à nouveau devant l'originalité de cette voix, cet humour, cette contemporanéité, cette façon de s'ancrer dans le réel pour en extirper la beauté.

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