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15 septembre 2019

LIVRE : Eloge des Bâtards de Olivia Rosenthal - 2019

G03234

Pas facile d'écrire sur ce roman qui fait semblant, au départ, de nous entraîner sur une voie (une dizaine de personnes, une petite communauté, se retrouvent, le soir, en secret, pour discuter des façons de lutter contre une urbanisation galopante, un pouvoir de plus en plus oppressant) avant d'en développer une autre, plus intime : donnez la parole à ces personnages qui, sous couvert de l'anonymat, vont tous s’épancher sur les tourments de leur vie : l'absence d'un père, l'absence d'une mère, une éducation souvent laissée à l'abandon avant de trouver sa propre liberté, sa propre rédemption. Dis comme cela, c'est peut paraître pas forcément très bandant, pour ne pas dire un peu mollasson - d'autant que cette rébellion sous surveillance, croit-on, ne débouchera absolument sur rien : simple cadre pour faire éclore ces diverses voix, ces divers parcours personnels. Et pourtant, Rosenthal, grâce notamment à une plume sans esbroufe, droite dans ses bottes, directe, parvient à nous tenir éveiller lors de ces longues veillées où chacun s'épanche ; sens des détails, aspects psychologiques dépeints en profondeurs, ces témoignages sans cesse interrompus par les diverses interventions des uns et des autres possèdent un petit éclat de véracité qui finissent par faire leur force ; Rosenthal nous faire croire (elle, qui, comme son héroïne, peut lire la petite voix intérieure de chacun) à ces multiples histoires, sans tomber dans le psychodrame, sans bêtement jouer sur la corde sensible à tout bout de champ. La recherche du père (ou son rejet), le mystères des origines, la volonté d'évoquer les absences, les trahisons, les abandons pour mieux en revenir… c'est un flux continuel d'expériences parentales ratées narrées sans rage, sans haine, en toute objectivité par des êtres qui ont tous continué d'avancer - il y a les fêlures, les blessures, les rendez-vous manqués, mais au final chacun semble être sorti grandi de ces harassants combats intimes, chacun semble avoir retrouvé sa voie, notamment au sein de cette communauté : il n'y a finalement pas de hasard à ce que ces personnes si différentes se côtoient, partagent leur lutte ; chacun d'entre eux s'est construit dans l'adversité et continue d'une certaine façon le combat qu’il soit ou non perdu d’avance - la voie de l'apaisement, la recherche du confort n'ayant jamais franchement été leur lot. Chacun de ces électrons libres en exposant leurs blessures personnelles consolide leur petit noyau d'individus qui considèrent qu'il n'y a jamais rien d'acquis (pas même ses parents d'origine), qu'il existe des pentes qui mènent facilement au fond du trou mais qu'il y a toujours une petite voix, qu'elle soit intérieure ou qu'il s'agisse de celle d'un congénère (une bonne moitié ont su suivre un jour leur ange-gardien), pour s’extraire du marasme. Un roman un peu d'un autre âge mais avec une finesse psychologique presque touchante et une écriture cimentant joliment les mots (…) – c’est pas écrit à la truelle, quoi.

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