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2 avril 2019

La Plaisanterie (Zert) (1969) de Jaromil Jires

Etonnant ce "petit" film tchèque aussi bien dans la forme que dans le fond, un film qui "au-delà du contexte et de l'époque" possède une réelle noirceur. Ludvik (Josef Somr, une graine de Houellebecq de l'est) est un pince sans rire ; il a malheureusement écrit une carte postale des plus laconiques (parodiant les préceptes "ultra-positifs" du parti) à sa douce qui va lui coûter cher. Non seulement sa blonde d'âme sœur est à fond dans le parti (autrement dit, elle a autant d'humour qu'un herbivore) mais en plus elle a la bonne idée de balancer la carte postale à ces jeunes blancs-becs de cocos. Ludvik en fait rapidement les frais : il est exclu du parti, exclu de la fac... On le retrouve quinze ans plus tard de retour dans sa petite ville natale : il est bien décidé à se venger du passé en baisant une certaine Helena, la gonzesse d'un des types qui, à l'époque, bien que proche de lui, s'était fait un plaisir de le bannir...

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Avouons que dans un premier temps, on est assez ébahi devant la façon qu'à Jires de faire se télescoper présent (le retour dans la ville natale) et passé (les impairs de Ludvik et son "jugement") ; dès qu'il écoute une chanson, un discours, etc, il se remémore cette jeunesse sacrifiée ; Jires en jouant intelligemment sur le montage et sur les champs/contre-champs (présent/passé) parvient à nous présenter tout ce que le pauvre Ludvik a dû subir (une exclusion suivie de six ans de prison, d'armée, de travaux forcés... pas jouasse) et tout ce poids qu'il porte encore en lui (toutes les images de ses malheurs passés lui revenant à chaque coin de rue)... On sent que le type n'a rien avalé, de la trahison des siens, de ce régime d'enfoirés (le film fut vite interdit, je vous rassure, en son temps), de tous ces minables qui lui ont fait payer très cher sa petite "plaisanterie" postale... Ludvik jette son dévolu sur cette pauvre bougresse qu'il veut se taper (c'est malheureusement bien le mot) sans affect et avec un certain relent de mépris (il se fait notamment un plaisir de baffer la donzelle "durant l'acte" ce qui la fait glousser - vraie malaise...). Seulement voilà, il apprend, le con, dans la foulée qu'elle n'est plus avec son ancien camarade... Ludvik tombe des nues une première fois, puis une seconde fois quand il croise ce fameux camarade au bras d'une petite jeune un rien écervelée : son fameux camarade, qui l'avait lâché, fait une critique en règle de ce régime (oups, dur de déglutir pour Ludvik) et tient un discours plutôt étonnant sur cette jeune génération : il critique à la fois leur individualiste tout en reconnaissant qu'ils ont peut-être la faculté de changer le monde (il faudra encore attendre)... Un discours, quoiqu'il en soit,  un peu assassin pour notre Ludvik, élément que l'on a finalement sacrifié en son temps pour pas grand-chose... Il risque de tomber des nues une troisième fois (attention de ne pas faire un cratère) lorsqu’un jeune type (amoureux de Helena et jaloux) veut lui chercher des noises... Ludvik, décidément, lui qui voulait chercher par sa vengeance une certaine (et idiote ?) rédemption, risque de s'enfoncer encore plus...

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Une forme narrative (notamment dans toute la première partie) joliment troussée et un fond, si on s'en tient uniquement au personnage de Ludvik, qui, sans même avoir à évoquer le contexte géopolitique, baigne dans un réel pessimiste... Ludvik, incapable de tourner la page, use d'un moyen guère reluisant pour se venger (elle y est pour rien cette pauvre femme... et en plus elle va manger physiquement et moralement),  fait chou gras (son mari l'a depuis longtemps quittée) et se prend en bonus une double baffe (par son pote qui, lui, a "évolué", vit "avec son temps" en se permettant en plus, le salopiot, un regard critique sur le passé - pas vraiment droit dans ses bottes, le gars) et par ce jeune type jaloux qui sort de nulle part... De quoi réellement rager : une vie, par le passé, foutue en l'air par des moutons idiots et, quinze ans plus tard, il n'y a apparemment toujours rien à faire pour retrouver un semblant de dignité. Un film tchèque teinté d'une certaine légèreté (le petit côté non dénué d'ironie de son personnage principal) mais qui s'enfonce bon an mal an dans une certaine noirceur. 69, année critique.

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Commentaires
C
Très bon film en effet. Vous auriez pu ajouter qu'il a été écrit en collaboration avec Milan Kundera (qui a déjà écrit son célèbre roman éponyme), mais que le film sortira avant le livre. Amicalement.
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