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4 décembre 2013

LIVRE : Péloponnèse d'Eric Chevillard - 2013

9782851948793,0-1807250Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, c'est encore une pure merveille que nous offre le compère Chevillard après sa vingtaine de merveilles passées. On l'a déjà dit, et on le répètera jusqu'à notre mort : Chevillard est un pur virtuose, un de ces jongleurs déments dont on se dit quand ils démarrent leur numéro qu'ils vont se planter et qui réussissent au-delà des attentes. Les quilles du gars, c'est la syntaxe française, et Péloponnèse est une nouvelle preuve des capacités illimlitées de celle-ci quand elle passe entre les mains d'un tel orfèvre. Proprement hallucinant de voir comment la langue est utilisée, avec une musicalité, un sens du rythme, un goût pour l'élégance et la sophistication, qui n'occultent jamais la vivacité, la drôlerie voire même une certaine trivialité. C'est ça, Chevillard : c'est érudit mais c'est hilarant, c'est raffiné mais c'est de la blague.

Cette fois, c'est à un exercice d'indignation qu'il se livre (le sous-titre : "De qui se moque-t-on"). Il importe de se débarrasser de l'inutile, et la liste est longue : la porte, l'eau, le balai, le ciel, le pied, etc, passent tour à tour au crible de ses sarcasmes, et c'est comme s'il parvenait en quelques phrases (les textes font 4-5 pages chacun) à faire le tour du sujet, à pointer le ridicule de choses qui nous semblaient pourtant importantes. Et à la fin, on est bien d'accord avec la logique imparable déployée dans ces petits textes sarcastiques et indignés qui évoquent souvent Pérec. Entre ces exercices de détestation des choses courantes, on a droit à d'autres inspirations, l'autre fil conducteur étant la visite des musées (que le gars effectue bien entendu pour tout autre chose que pour voir des oeuvres d'art), textes tout aussi renversants et hilarants. Il y a même en fin de livre une tentative (payante) de remplacer le verbe "écrire" par le verbe "éjaculer" dans des phrases type prononcées par les écrivains : c'est régressif comme tout a priori, mais on se rend compte, comme toujours chez Chevillard, que derrière la blague, derrière le pur exercice de style formel, se cachent de sombres sentiments (ici, l'écriture considérée comme un arrachement physique, en quelque sorte), une profondeur pudiquement camouflée en gag. Autrement dit : on se marre comme rarement, on s'extasie devant la forme, on applaudit au fond. Est-ce que ce n'est pas ce qu'on peut appeler un chef-d'oeuvre ?

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