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15 décembre 2013

LIVRE : Au Revoir là-haut de Pierre Lemaitre - 2013

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Si Pierre Lemaitre ne s'inscrit pas en droite lignée du Nouveau Roman (oui, nan, là...), il nous trousse un roman "à l'ancienne", historique qui plus est, aux allures de "page turner" à la frenchy - pour peu qu'on se prenne au jeu de ses personnages... Ceux-ci, à défaut de jouir d'une psychologie particulièrement poussée, sont suffisamment typés (un soldat trouillard mais débrouillard, une gueule cassée revancharde, un lieutenant magouilleur et vachard, un capitaine d'industrie ignoble qui se fait surprendre par les derniers petits battements de son coeur) pour être, au fil des pages, relativement "attachants" ; après le bourbier de cette sale guerre (le premier chapitre met dans l'ambiance avec ce soldat enterré vivant qui fout les pétoches) vint le bourbier de l'après-guerre avec l'exhumation des soldats. Il n'y a pas de petits profits et du côté de ces laissés-pour-compte de la guerre (qui vont monter tout un trafic sur la proposition de monuments à la mémoire des disparus - une arnaque relativement sordide) comme des profiteurs argentés et bassement capitalistes (qui vont monter un trafic encore plus ignoble et glauque sur l'exhumation des morts et la mise en place de cimetières - un mètre trente pour un cercueil, cela devrait suffire pour faire tenir n'importe quel soldat... compressé à la César), on va constamment devoir se frotter à la face sombre de cette humanité un brin déshumanisée. Dans ce monde en ruines, la ruine de l'âme et de la morale semble en quelque sorte l'ultime aboutissement... Notre sympathie va tout de même forcément pencher du côté de ces simples soldats qui semblent pouvoir tenir une revanche sur le vain sacrifice de leur être : après être passé à ça de la mort (une mort totalement inutile dans ces derniers jours de la guerre qui permettra à leur supérieur d'obtenir une ultime breloque), l'un y perdant sa tronche, l'autre sa foi, nos deux compères vont tenter de remonter la pente en montant l'arnaque du siècle... Même si on s'embourbe un peu à mi-roman, Lemaitre dans la dernière partie de son ouvrage nous sert un véritable thriller (toute proportion gardée) qui permet de nous tenir en haleine jusque dans les dernières pages. L'auteur goncourisé ne va pas révolutionner l'histoire du style mais a au moins l'audace de nous servir un roman historique pimenté d'un soupçon de suspense. Un Goncourt "grand public" de bonne tenue pas de quoi faire la fine gueule (cassée).   (Shang - 19/11/13)


Monument_aux_morts_St_BressonC'est un bouquin quand même bougrement habile qu'on a là, et s'il ne révolutionne certes pas la littérature, il est quand même l'occasion de lire avidement un bon gros pavé, ce qui n'est pas si courant. Lemaître n'est pas Proust, non, mais il lorgne plutôt du côté des petits maîtres début de siècle, de ceux qui n'avaient d'autre ambition que de raconter une histoire solide avec des personnages attachants, les Duhamel, les Benoit, les t'Serstevens, quoi. C'est tout le talent de Lemaitre : sa modestie, qui n'exclut pas un talent de conteur vraiment vaste. On est pris par sa narration dès les premières lignes (superbe premier chapitre, qui vous immerge corps et bien dans la guerre des tranchées, jusqu'à l'étouffement, avec ce détail génial de la tête de cheval, enterrée avec notre héros, et qui lui sert à expulser son dernier souffle), et on ne lâche pas jusqu'aux dernières (toute la fin, effectivement emballante). Pas d'accord avec mon camarade sur le moindre intérêt de la partie centrale, puisqu'on y trouve un personnage de bureaucrate puant et incorruptible particulièrement bien brossé, et que Lemaitre profite du ralentissement de sa trame pour faire dans le portrait social, dans la description minutieuse d'atmosphères. Parce que le gars, malgré sa modestie, sait aussi jouer au romancier XIXème quand il le faut, et dessiner en coupe le portrait d'une société entière à travers un seul personnage. Que ce soit le bon soldat brave mais pas futé, ou son acolyte défiguré et cynique, chaque caractère représente un état du Français dans l'immédiat après-guerre, et ça, ça ne manque pas d'ambition. D'ailleurs, l'auteur jette aussi des coups d'oeil du côté de Céline (dont on croise un personnage au détour d'une page) ou de Barbusse, dans une sorte de "compil de 14-18" (parfois un peu arbitraire, allez, reconnaissons-le). Bref, un roman passionnant, populaire dans le bon sens, moi je dis bravo.   (Gols - 15/12/13)

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