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16 décembre 2014

LIVRE : 14 de Jean Echenoz - 2012

7753204673_14-de-jean-echenozC'est pas forcément sur ce sujet-là (la guerre de 14) qu'on attendait le compère Echenoz ; et pourtant une nouvelle fois, il réussit haut la main un de ces petits romans aussi terribles que dynamiques, aussi intrigants que (faussement) simples. Une vraie réussite, oui, d'autant qu'il y avait de quoi se casser les dents : en quelques 120 pages, le livre aborde un peu tous les thèmes concernant la Grande Guerre, mobilisation, enthousiasme des premiers jours, lendemains qui déchantent, horreur des tranchées, hôpitaux, quotidien des combats, retour au pays plus ou moins amoché, reconstruction ou échec d'icelle... C'est très ambitieux, d'autant que Echenoz consacre également tout un chapitre aux différentes bêtes qu'on peut trouver sur les champs de bataille (des poux aux rats, des chevaux aux renards), raconte aussi ceux qui restent au pays, aborde le thème de la désertion, et n'en oublie pas pour autant de camper 5 personnages solides et crédibles. Tout ça ramassé en quelques phrases fulgurantes, directes et pourtant très souvent d'une troublante poésie.

Il s'agit en effet de 5 gars, pris comme au hasard dans la masse des jeunes gens de l'époque, desquels il va raconter le destin plus ou moins dramatique au cours de la guerre. Entre ceux qui n'en reviendront pas, ceux qui en reviendront en morceaux et ceux qui en reviendront à moitié détruits psychologiquement, on a l'impression d'un portrait complet des comportements et des dommages de cette guerre. L'intrigue est passionnante, tant on sent que Echenoz s'est documenté en détail sur les choses (le côté presque scientifique de certains chapitres), sans pour autant que ce ne soit jamais purement didactique ou lourdement laborieux. Mais ce qui marque le plus, c'est le style, sans aucun doute. Le gars utilise un style qu'on ne peut qualifier que de léger pour décrire les horreurs les plus terribles : le rythme des phrases, rapide et superbement balancé, le choix des mots directs, l'espèce de poésie qui réside dans les détails (le prodigieux chapitre d'ouverture où, pour décrire le moment de la mobilisation, il place son personnage en haut d'une colline dominant toute la vallée : il aperçoit d'abord le sommet des églises qui change de couleur, puis entend les cloches), l'aspect presque onirique qu'il atteint parfois (l'errance du type dans les bois jusqu'à ce qu'on le choppe comme déserteur), tout ça constitue un texte aérien, presque léger, qui prend à contre-pied toute la littérature existante sur le sujet. Sur le fil, le livre ne vire pas pour autant à l'exercice de style : les personnages sont épais, attachants, l'intrigue est passionnante même si on en connaît par coeur les motifs, l'alternance entre le calme (la femme restée en arrière) et la tempête (les batailles, décrites "nettement" mais avec une sorte d'humour, de ton "livre d'aventures" qui épatent) parfaitement gérée. Bref : c'est assez génial, clamons-le.  (Gols 02/11/12)


echenoz

Pas grand-chose à rajouter à la brillante analyse de mon comparse qui survole la plupart des thèmes (oui, même le passage sur les bêêêtes..) de ce magnifique petit livre sur la grande guerre. Dès le départ en effet, à travers le regard de ce simple petit gars de la campagne qui se balade en vélo, on comprend qu'il va être pris dans un tourbillon qui le dépasse, qui dépasse le village, qui dépasse le pays... Nos cinq gars vont tomber comme des mouches, parfois de haut (le plus planqué d'entre eux finira en omelette), parfois en ne perdant qu'une de leurs ailes - les obus sont sans pitié et dieu sait que je ne m'y connais rien en la matière. Difficile d'échapper à ce massacre, même les plus candides, qui tentent de porter à nouveau sur le monde un regard humain, le temps d'une balade, en seront pour leur frais... Tué par ses propres camarade. Un carnage, pas mieux. Echenoz parvient néanmoins toujours à lâcher une petite expression familière qui fait... mouche, histoire de dédramatiser une seconde ce récit de la fatalité entre deux volées de balle. Voilà un bouquin parfait pour le centenaire de cette boucherie campagnarde. Et même au-delà.  (Shang 16/12/14)

Commentaires
R
Mille fois d'accord !
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