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15 décembre 2014

LIVRE : Escarmouches d'Emily Dickinson - 1850-1886

9782729121365,0-2265306La poésie est moins présente sur ce blog que les films d'horreur et les films noirs, c'est un peu ballot. Une pierre à l'édifice avec ce recueil de poèmes choisis de la petite Emily Dickinson, dont la vie même est un doux poème : retrait du monde, effacement, refus d'être publiée, mort dans l'anonymat, c'est très beau. On a avec ces poèmes courts une sorte de quintessence de la dame, puisque la modestie et le tact y sont de rigueur. Ca s'apparente souvent à des haïkus tant elle est est économe en mots et en grands sentiments, tant, par l'épure, elle cherche toujours à mettre le mot le plus simple sur les sentiments. La Mort, thème récurrent, peut par exemple être doucement évoquée par la seule présence d'une mouche, dans la plus belle pièce du recueil ("There interposed a Fly - / With Blue - uncertain stumbling Buzz - / Between the light - and me - / And then the Windows failed - and then / I could not see to see -"), tout comme la fin de l'été peut juste être tracée par un détail de lumière. Les thématiques sont la plupart du temps glauques, hantées par la souffrance, la mort, la fin proche, mais pourtant les poèmes en eux-mêmes ne sont jamais morbides, grâce à ce ton très doux, à cette façon presque apaisée de regarder les choses mourir. Il y a une nostalgie d'un monde perdu (l'enfance ? la société ?) qui s'accompagne d'une passion totale pour la Beauté, deux sentiments qui, loin d'exalter l'écriture de Dickinson, la rendent musicale, rythmée, apaisée. Très méfiante par rapport à son corps, qu'elle considère comme le simple "refuge" de l'esprit et de l'âme, complètement vouée à la sensation, à la pensée, la belle devient parfois quasi-mystique (ses appels à Jésus) mais jamais gnangnan : elle écrit délicatement certes, mais pas comme unn vendeur de porcelaine de Limoges : les mots sont là, nets et clairs. La fulgurance de certains poèmes force le respect :

On apprend l'Eau par la soif
Et la Terre - par les Voyages en mer -
La Passion - par les affres -
Et la Paix - par les récits de guerre -
L'Amour, par la Mort
Et les Oiseaux, par l'Hiver.

et on aime cette netteté de trait toute américaine, peut-être issue de lectures de Whitman ou de Thoreau. Mieux encore, cette litanie à la Mort n'est pas dénuée, ici et là, d'un certain humour, désabusé et froid certes, mais quand même. Un livre précieux et secret, quoi, d'autant que les belles éditions La Différence ont la bonne idée de présenter le texte en bilingue, ce qui, malgré le talent de la traductrice Charlotte Mélançon, permet de juger de la supériorité de l'anglais sur le français dans le cas qui nous occupe.

Commentaires
S
Ca me rappelle Duras et la mouche, cette histoire... en moins sobre, Duras.
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M
Ah, Emily, sweet Emily.... She's one of my favourite....
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