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Shangols
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13 février 2012

Celui par qui le Scandale arrive (Home from the Hill) de Vincente Minnelli - 1960

2816532589C'est pas rien, ce Home from the Hill : 2h30 de mélodrame comme on dit flamboyant qui viennent creuser en profondeur dans le mental d'un jeune homme perdu, tout en laissant toute leur place au glamour et à l'aventure, le tout dans un style éblouissant d'intelligence et de beauté. On en a pour son argent, c'est le moins qu'on puisse dire.

Analyser ce film dans le détail relève de la gageure, tant tout semble signifiant là-dedans, tout cache une symbolique hyper-fine et tout sert le sujet. Il est question ici d'angoisses existentielles tout à fait captivantes : le sentiment de paternité est-il dans les gènes ou doit-il s'acquérir ? Qu'est-ce que la virilité ? Peut-on pardonner l'impardonnable ? Comment réussir sa vie entre sentiment et force ? Quelle différence entre hommes et femmes ? Comment devenir adulte ? Eh oui, il y a tout ça là-dedans, c'est dire l'ambition de Minnelli. Et le plus bluffant, c'est qu'il aborde toutes ces questions de front et qu'il donne des pistes intéressantes sur celuiparquilescandale_9chacune. Il plonge son jeune héros dans un décor fabuleux, entre marais glauques et maison familiale rouge et or, entre naturalisme sublime mais dangereux et banlieue confortable mais trouble. Deux mondes opposés qui symbolisent bien le déchirement intérieur du gars : sa mère lui a donné une éducation toute de sensibilité et de douceur, mais son père décide de prendre les choses en main et d'en faire un homme (entendez un gars qui encaisse le whisky, traque le sanglier et fascine les femmes). Tenté par ce nouveau monde qui s'offre à lui, il va vite se rendre compte que rien n'est tout noir ou tout blanc, que ce qu'il croyait immuable (l'amour, la fraternité, la beauté du monde) peut cacher de sombres aspects, et son éducation va finalement consister en une revendication de liberté enfin trouvée.

quei_loro_incontri_230Ce n'est qu'une des dizaines d'histoires de ce film hyper-complexe, qui fouille au plus profond de chaque être, ouvre sans arrêt de nouvelles perspectives psychologiques dans chaque cerveau. Tous les personnages sont sublimes, de la mère habitée par la rancune au frère viril par défaut, du père atterré par son pouvoir à la jeune fille déjà fascinée par la bourgeoisie. Mais c'est bien sûr le fils qui sidère le plus par sa complexité : Minnelli creuse le personnage jusqu'au bout du bout, dans une compréhension parfaite de ce qu'est un jeune homme dans cette Amérique des petites villes enfoncée dans sa culture virile (on est au Texas), mais rêvant d'une nouvelle vision des choses (on est en 1960). Depuis sa naïveté première jusqu'à son émancipation finale, Minnelli lui fait traverser des épreuves qui vont forger un homme, en dehors de ce que ses parents avaient voulu, libre et seul, autonome et dents serrées. Profondément touchant, ce personnage rappelle le James Dean de East of Eden, torturé, enfant et adulte en même temps.

o_vestido_de_grazia_orsiN'importe qui en aurait fait un beau film de dialogues ; Minnelli en fait un spectacle éblouissant. Sa science des couleurs, son sens du rythme, son goût pour les détails, et surtout son talent pour donner de l'ampleur à chaque événement, éclatent à chaque plan. Il y a quelques séquences tout simplement géantes, comme cette chasse au sanglier au sein d'une nature sublimement déifiée par les couleurs, ou comme ces conversations père/fils dans la pénombre de salons trop riches pour être honnêtes. Quant au dernier quart-d'heure, c'est la perfection même, une montée en puissance du scénario et du tempo qui laisse sur le cul. La direction d'acteurs (surtout pour les deux garçons principaux) est impeccable, Mitchum étant presque pour sa part relégué dans l'ombre avec ce rôle malaisé et ambigu dont il a le secret. De scène en scène, on ne cesse de hurler de plus en plus fort au génie. Aucune réserve.  (Gols 04/02/09)


C'est en effet une véritable saga familiale que ce Home from the Hill qui finit par laisser tout pantois et les bras ballants. Minnelli est UN metteur en scène sachant user les décors comme jamais : ceux-ci viennent en effet véritablement prendre part aux portraits psychologiques de chacun des individus, des individus dont il narre ici les trajectoires, les destins ; commençons donc par le pater familias, Mitchum, le père pêcheur, l'homme qui paie non seulement ses écarts personnellement - il est un véritable gibier pour les maris jaloux - mais dont les choix qu'il a faits tout au long de sa vie vont être lourds de conséquence pour chacun des membres de sa tribu : sa femme qui reste à ses côtés à cause d'un curieux pacte qu'ils ont passé ensemble une vingtaine d'années plus tôt - la voie de la véritable rédemption dans le coeur de son mari s'annonce longue (et vice versa) ; un fils (en raison de ce pacte), couvé par sa mère, qui va se voir encadrer "à sa majorité" par deux tuteurs (son père et son demi-frère) pour qu'il fasse enfin ses premiers pas sur le chemin de la maturité mais qui devra ensuite trouver sa propre voie vers l'émancipation - en payant lourd les péchés du père... ; un "bâtard" - une "erreur de jeunesse" du gars Mitchum qui n'a jamais voulu considérer cet être comme son propre fils - qui, après avoir subi toute sa vie, va savoir au moment opportun prendre, lui, toutes ses responsabilités - comme pour racheter, d'une certaine façon, les pêchés du père...

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Dès la première sortie en forêt de nos trois hommes, il y a des émanations de soufre qui s'échappe d'un lac et l'on sent que ce lieu aura forcément une valeur symbolique tout au long du récit : le "fils de famille" s'en approchera dangereusement lors de cette chasse initiatique - la fabuleuse séquence du cochon sauvage - qui lui fera en quelque sorte marcher sur les traces de son père (il ne cessera au cours d'une autre initiation - amoureuse celle-ci - d'être victime de cette "identification" au père), un lieu dans lequel il lui faudra revenir à la fin pour "venger (la mémoire de) son père" : comme pour être quitte à jamais avec cette figure "imposante" - c'est le moins qu'on puisse dire...

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On pourrait également souligner dans ce film la très belle relation qui se noue progressivement entre les deux jeunes gens, le "bâtard" qui ne refuse en rien de jouer au "grand frère" et le fils de famille empoté (de la chasse au "dahu" (...) à l'invitation d'une fille à un bal qu'il n'ose faire lui-même...). L'un assume totalement son rôle malgré tous les griefs qu'il pourrait avoir à l'encontre de son père, l'autre saura en temps voulu faire un pas en direction de ce frère longtemps ignoré, à l'origine de la brouille avec son père (bien aimé la position du fusil sur le mur, à l'arrière plan, lorsque le fils tente justement de régler ses comptes avec ce père et tire sur celui-ci à boulets rouges...). Jusqu'au bout, il va y avoir une véritable solidarité entre les deux sans que l'image - et surtout le comportement du père - vienne bouleverser cette entente. Enfin, comment à son tour ne pas dire un mot de l'usage des couleurs de ce film, de ce jaune couleur de soufre aux tentures rouge-sang des intérieurs (utérins...) : la démonstration est à ce point bluffante qu'on a franchement l'impression que la couleur, au cinéma, a été inventé POUR Minnelli - ah si franchement. Après de tel film, je pense que beaucoup de réalisateurs auraient dû définitivement se cantonner au noir et blanc. Belle œuvre, je dirais même plus...  (Shang 13/02/12)

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