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26 janvier 2012

LIVRE : Incidences de Philippe Djian - 2010

Philippe_Djian_sort_deux_ouvrages_en_librairie_en_fevrier_referenceIl devrait se méfier, le Djian : à force de vouloir sortir un nouveau livre tous les 6 mois, il risque de perdre un peu sa réputation de ciseleur de style plus ou moins méritée. Ceci dit, Incidences est un bon cru, même s'il n'est pas complètement surprenant de la part du compère, un peu paresseux au niveau de son thème. Je dirais même que Djian a l'air de renaître depuis quelques temps, depuis en tout cas Impardonnables, un de ses meilleurs romans. Celui-ci nous raconte les aventures de Marc, écrivain raté, prof de littérature, qui n'hésite pas à coucher avec ses jeunes étudiantes bien entendu folles de lui (prénom inlassable pour personnage inlassable). Il ne faut pas chercher bien loin pour deviner que Marc est l'alter-ego à peine fantasmé de l'auteur lui-même, en héraut du style et de la grande écriture dressé face aux fâcheux de la littérature moderne. Les réflexions djiannesques sur la fulgurance de quelques grands auteurs (Carver, Roth, Saroyan, etc, que des Américains, quoi) sont rigolotes dans leurs excès, et ses poses de grand connaisseur des rythmiques littéraires impressionnent ; mais elles agacent aussi, puisqu'on ne peut s'empêcher d'y voir une auto-congratulation de sa propre écriture. Le statut d'écrivain raté du personnage ne cache pas la chose : Djian se prend pour un grand écrivain.

Il l'est tout de même souvent, grand écrivain : les deux premiers tiers d'Incidences sont vraiment très tenus dans le tempo des phrases, dans ce style chaloupé qui a fait la grandeur du Djian des années 80. Formidablement bien balancée, l'écriture est pensée, pesée, en termes musicaux plus que romanesques. La trame, bien fine malgré cette noirceur qui point là-dessous, n'est qu'accessoire : il s'agit d'un pur exercice de style, et ma foi on est content de voir Djian abandonner la plupart de ses tics pour resserrer quelque peu ses phrases. Moins de répétitions, moins d'effets voyants, même s'il en reste encore beaucoup : du "flow", rien que du "flow". On est entraîné là-dedans comme dans un de ces morceaux de rock que le compère énumère au cours de son récit, et on suit avec plaisir les réflexions désabusées de ce personnage contemporain. Quand Djian veut charger la mule, il se gaufre royalement : le passé d'enfant battu du personnage, ses relations troubles avec sa sœur, les morts qui s'accumulent autour de lui (et autour d'un gouffre au symbole éléphantesque), tout ça est raté ; mais quand il reste dans la légèreté, le sexe, la vie simple, l'amour retrouvé, il est excellent.

Le dernier tiers s'enfonce malheureusement dans l'ennui : la trame stagne, et avec elle le style, qui se met à se mordre la queue. Les choses sont répétées 10 fois sans nécessité, Djian quitte visiblement la partie. C'est dommage, car on ressort de cette lecture avec l'impression d'un léger bâclage, d'un brin de paresse de la part d'un auteur pourtant connu pour son acharnement à trouver la phrase magique. Allez jusqu'à la page 150, vous avez un grand Djian musical et très drôle ; allez jusqu'au bout, vous avez un livre oubliable et pantouflard.  (Gols 03/03/10)


J'avoue avoir un peu laissé tomber le Philou (je le connais depuis tout petit - pas lui) ces dgooderniers temps, tant je trouvais qu'il avait bien du mal à nous sortir un ouvrage où il ne tombait po dans la facilité... Ce bouquin a beau parler de "style" - avec toujours les dix mêmes mots de vocabulaire, empruntés semble-t-il à un professeur de chant -, a beau avoir un certain "flow" comme le souligne aimablement mon camarade -, il est tout de même encore et toujours bien difficile de ne pas tiquer devant certains morceaux de phrases répétées deux-trois fois d'affilée, ce qui donne certaines pages "douteuses" :

"Je trouve que c'est abominable de ma part. Je trouve que c'est vraiment abominable de ma part. Réellement indigne.
- Non. Jamais de la vie. Ecoutez-moi, Myriam, jamais de la vie. Personne ne l'a forcé à faire carrière dans l'armée. Il n'a qu'à s'en prendre à lui.
- C'est quoi ce courant électrique dont vous avez parlé ?
- Ce courant électrique dont j'ai parlé ?
- Oui.
- Ce courant électrique dont j'ai parlé ?
- Oui."

Bref, on s'en lasse un peu vite. J'aimerais bien aussi qu'on m'explique cette phrase : "Il erra durant un bon quart d'heure, désorienté par la pression à hauteur de ses tempes - la sourde, la souterraine pulsation du sang - de même que par l'abondante lumière qui se déversait du ciel et obligeait à cligner des yeux faute d'avoir oublié ses lunettes de soleil dans la boîte à gants" : franchement, j'aurais mis "pris" à la place d'"oublié" mais je travaille po chez Gallimard... Au niveau de la trame, il est clair - mais l'ami Gols le soulignait déjà - que lorsque Djian s'attaque à l'inceste et à l'enfance difficile du personnage principal, on rigole et les "rebondissement inattendus" de l'intrigue (cet épisode avec le flic cardiaque était-il bien utile ?) sont franchement lourdingues. Il tente bien dans les quinze dernières pages une pointe de subtilité dans "l'ellipse romanesque", mais l'idée tourne un peu court - ah puis tiens, c'est fini... Bon, sans vouloir non plus tirer à boulet rouge sur cet idole - de jeunesse, hum -, reconnaissons que le gars parvient encore au détour d'un passage un tantinet cynique et misanthrope à nous faire lâcher une petit rire étouffé (dialogues perso au lit : "- Qu'est ce qui te fait rire ? - Ce con de Djian...") :

- Approchez-vous, Marc, laissez-moi vous dire une chose. Je peux vous faire une confidence ?
- Non, Richard, j'aime autant pas. Je préfère vous le dire tout de suite. Je ne veux pas me retrouver détenteur des confidences de qui que ce soit. N'y voyez rien de personnel. Je ne veux pas de cette responsabilité-là. Je suis somnambule. Demandez à Marianne. Je parle en dormant. Je me promène et je parle. C'est aussi simple que ça. Pour le confidentiel, mon pauvre ami, gardez-vous bien de frapper à ma porte. Comme confident, je ne vaux rien."

Bon voilà, toujours un peu mitigé quoi... Ceci dit, cela ne m'empêchera point de lire Vengeances à l'occase, remarquez-le bien.

 

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