Pale Rider, le Cavalier solitaire (Pale Rider) de Clint Eastwood - 1985
Un western de très grande classe de la part de notre ami Clint, qui nous emmène décidément de cîmes en abysses dans sa filmographie insaisissable. Respect des aînés, mais avec une patte personnelle indéniable : c'est un magnifique cheminement au sein d'un classicisme grand crin, et de plus un spectacle superbement tenu. Le sens de l'esthétique s'affine de plus en plus chez Eastwood, et ce qui force le respect d'abord dans Pale Rider, c'est le travail sur la photo, sur les paysages et sur l'aspect visuel : la photo, maniant avec une grande force les fameux clairs-obscurs à la flamande, préfigurant ainsi Unforgiven, éclate non seulement dans les scènes d'intérieur et les scènes nocturnes, mais aussi dans la clarté aveuglante des extérieurs, mettant en valeur les ciels et les forêts : il y a bien sûr du John Ford là-dedans, dans ce soin constant apporté par Eastwood à l'ancrage territorial de son histoire et de chacun de ses plans, dans ces dégagements sur des paysages extraordinairement profonds, dans cet amour qu'on devine pour la terre, celle rurale et paysanne cette fois (après les décors urbains de Sudden Impact). Les décors, du coup, sont dans cette veine, très "beaux" en même temps que d'une poésie subtile : la ville-hameau, par exemple, est un joli montage presque labyrinthique malgré sa pauvreté, et la longue scène de fusillade finale trouve là-dedans des possibilités de mise en scène illimitées. Eastwood soigne également beaucoup ses costumes (la silhouette de son héros, mythique dès sa première apparition), la véracité du contexte (les chercheurs d'or pauvres de l'époque), ou le glamour des détails (la neige avec ce cheval blanc par-dessus, les plans tarabiscotés du duel final,...)
La force visuelle du film va de paire avec le scénario. Eastwood nous refait le coup du cow-boy quasi-mystique, peut-être représentant de la Mort elle-même, qu'il avait déjà inventé avec High Plains Drifter. Son cavalier solitaire semble invincible, et son arrivée, qui correspond aux prières d'une jeune fille et de toute une communauté ("Il nous faudrait un miracle") semble aller dans le sens d'un personnage fantomatique, symbolique, presque abstrait. Belle idée que de le faire se confronter avec un passé mystérieux (le marshall qui le provoque en duel à la fin) et de terminer sur des impacts de balles qui correspondent parfaitement à celles qu'il a dans le dos : le cow-boy semble précéder la mort et la vengeance, comme un ange, ou comme un messager à la Pasolini. D'ailleurs, autre ressemblance avec Teorema, le type va s'installer dans la communauté des chercheurs d'or pour mettre à jour le vrai caractère de chacun : lâcheté, courage inavoué, pulsions sexuelles, amours naissantes (on a rarement vu Clint aussi inspiré dans les dialogues sentimentaux que dans cette scène hyper-sensible de la déclaration d'amour de l'adolescente). Le fait d'en avoir fait un pasteur est là aussi une très belle idée qui rajoute à l'aura mystique du personnage. La mythologie du western et celle de la Bible marchent d'un commun accord. En face, les méchants sont parfaits, avec en tête ce fameux marshall, totalement immonde (le vieillissant John Russell, presque aussi spectral que Clint), et le tout jeune Chris Penn dans une belle construction "classique" de cow-boy de légende. La mise en scène est présente dans les grands moments (les bagarres, les dilemmes moraux, les scènes champêtres), allant du Leone aux plans sophistiqués au Ford des scènes lumineuses. Bref, que du bon à dire de cette oeuvre toute en noblesse et en beauté. Un grand Clint.
All Clint is good, here
Welcome to New West