LIVRE : L'Agent secret de Joseph Conrad - 1962 pour la traduction française

Roman-feuilleton, ou le meilleur roman policier de tous les temps d'après le sieur Borges ? Sûrement quelque chose entre les deux (je ne me mouille point): Conrad nous narre donc la vie pathétique de ce petit agent secret au service de l'ambassade de France. Sous la pression de son chef, le pauvre Verloc, infiltré dans les milieux anarchistes, se voit forcé de simuler un attentat pour alerter l'Europe sur ces réseaux. Il n'en voit point trop l'utilité mais se résout docilement à placer une bombe aux alentours de l'Institut Greenwich, symbole de la Science - l'anarchisme étant forcément un frein à  tout progrès. Le problème c'est que cela va po vraiment se passer comme c'était prévu... Bien aimé, au début, cette belle ellipse où l'on apprend soudainement son passage à l'acte. Alors que l'enquête se met en place, Conrad nous sert un long flash-back pour revenir sur les événements et cette construction narrative, qui permet de démêler les fils a posteriori de cette journée "explosive", est relativement bien vue et prenante. Le pauvre Verloc a eu la malencontreuse idée de faire participer à l'aventure le jeune frère, faible d'esprit, de sa femme, et notre gars ne va pas s'en mordre que les doigts... Le long face à face, terriblement tendu, entre un Verloc tentant désespérément de se justifier et sa femme totalement sous le choc tient en haleine, cette dernière ayant finalement cette phrase-couperet qui fait froid dans le dos : "Je ne te regarderai plus jamais, si longtemps que je vive". Verloc totalement estomaqué, lui qui pensait avoir tout sacrifié pour les siens, tente de réagir, mais la décision de sa femme semble irrémédiable. Dommage que la fin cherche un peu à multiplier les coups de théâtre tant le récit, jusque là, parvenait à capter notre attention sans jamais chercher la surenchère dramatique. A défaut d'être le meilleur policier de tous les temps, ce Conrad-là se lit pratiquement d'une traite et on n'en demande pas plus.