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31 juillet 2008

LIVRE : La Flèche d'or (The Arrow of gold) de Joseph Conrad - 1928

5178ZA5DNRLLa Flèche d'or est un récit particulier et un peu frustrant au premier abord pour les amateurs de Conrad en mal d'aventures. Bien que le roman évoque en toile de fond un trafic d'armes à feu entre Marseille et l'Espagne, l'essentiel du récit se concentre sur les relations entre le narrateur, ce jeune aventurier nommé "Monsieur George", et la troublante Rita. Conrad se concentre sur la naissance des sentiments de celui-ci pour celle-là, sentiments qui entraînent notre narrateur de désillusion en désillusion à mesure que cette femme lui échappe. Il est troublant d'ailleurs de voir les multiples parallèles de Conrad entre les femmes et la mer ("La femme et la mer se sont révélées à moi en même temps, pour ainsi dire : toutes deux vous enseignent les valeurs de la vie"; "Rappelez-vous bien ceci : [cette femme] n'est destinée à aucun homme ! Elle leur fuirait entre les doigts comme de l'eau qu'on ne peut retenir"). Si l'on est un peu déçu par ce manque d'action, d'exotisme, il faut reconnaître que Conrad porte un grand soin à la peinture des "seconds" rôles (les aristocrates hauts en couleurs Blunt et Mills, le compagnon d'aventures Dominique toujours fidèle, la soeur de Rita, Thérèse, parfaite vieille fille...), aux teintes du Marseille de cette fin du XIXème,  et se lance dans de longues séances de discussion qui s'étirent sur plusieurs chapitres; les rencontres entre le narrateur et la fantasque Rita sont remplies de non-dit, comme un amour impossible à avouer. Ces quelques lignes donnent le ton de la lourdeur des silences qui pèsent entre ses deux êtres : "La lumière se retirait lentement de la rotonde et sous mon regard dona Rita commençait à devenir ombreuse. Je m'assis sur le divan : longtemps nous n'échangeâmes aucune parole. Nous ne fîmes aucun mouvement. Nous ne nous tournâmes même pas l'un vers l'autre. Tout ce dont j'avais conscience, c'était de la douceur du siège, qui semblait, je ne sais pourquoi, susciter un relâchement de mon humeur sévère, je ne dirai pas contre ma volonté, mais sans que ma volonté intervînt. Une autre chose dont j'avais conscience, assez étrangement, c'était l'énorme bol de cuivre où nous jetions les bouts de cigarettes. Tranquillement en faisant le moins de gestes possible, dona Rita le fit passer de l'autre côté de son immobile personne. Lentement les femmes fantastiques aux ailes de papillons et les jeunes gens sveltes aux épaules ornées d'ailerons magnifiques disparaissaient dans leur arrière-plan noir avec un effet de silencieuse discrétion, comme s'ils nous laissaient à nous-mêmes." Le temps est comme suspendu entre eux, sans qu'ils trouvent le moyen, ou le courage, de faire le premier pas. Cette "non-action" tranche définitivement avec la deuxième note qui clôt le roman et qui résume, en accéléré, toute la fin de l'histoire très riche en événements. Véritable "roman d'aventures sentimentales", cet ouvrage, apparemment très autobiographique, conserve une place à part dans l'oeuvre de cet éternel aventurier. 

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