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8 octobre 2009

LIVRE : La Rescousse - Roman des hauts-fonds (The Rescue: a Tale of narrow Waters) de Joseph Conrad - 1936

9782070124244FS"J'imagine qu'on écrira toujours des romans d'aventure; mais il se peut fort bien que La Rescousse par sa coloration et son ton concentrés doive rester le chant du cygne du récit romanesque en tant qu'art littéraire". On voit que Conrad nourrit de fortes ambitions avec ce roman qu'il n'a pu achever que 20 ans après l'avoir commencé. On imagine à quel point ce poids fut lourd à porter pour l'écrivain, et on se prend à espérer que ce récit de jeunesse de Lingard (le héros de La Folie Almayer et d'Un Paria dans les Iles) transporte avec lui un puissant parfum d'aventures. On doit malheureusement un peu déchanter non seulement au niveau de la trame, plus désespérée et noire que pleine d'action - point d'aventures extraordinaires, plutôt l'impression d'un cul-de-sac romanesque - qu'au niveau du "concentré du style" (la vraie perle noire qu'est Au Coeur des Ténèbres semble avoir été ici délayée au cours de ces longues pages d'immenses nuits blanches qui laissent exsangue). Certes, notre frustration est finalement un peu à la hauteur de celle du personnage principal qui se rêvait en incroyable redresseur de tort en ces îles lointaines (il se croit investi de la mission d'aider un frère et une soeur, prince et princesse dans leur ancien royaume, à retrouver le pouvoir dont ils ont été déchus); suite à la présence d'un yacht anglais qui s'est échoué dans la région et la protection que Lingard veut leur garantir, son plan initial va s'en trouver fortement perturbé... L'existence d'une femme à la beauté "fatale" sur le yacht n'étant point étrangère à ce terrible contretemps. Lingard semble se faire rattraper par ses propres origines - sa "dévotion" envers les peuples indigènes ne faisant finalement pas le poids face à l'intrusion de ces Blancs - comme si cette pseudo histoire d'amour avec l'une de ses "pairs" faisait tout tomber à l'eau. Car, dans les faits, Lingard est totalement envouté par le charme de cette Anglaise même s'il est définitivement bien pataud pour donner "corps" à cette histoire. Rapidement on comprend que son combat flamboyant pour le prince et la princesse risque d'être avorté. Le problème, c'est que cette histoire d'amour est elle-même comme mort-née tant les deux personnages passent leur temps à se tourner autour sans jamais vraiment se mettre en danger. Même quand ils ont la certitude d'être "dans le coeur de l'autre", ben cela change po grand-chose à leur décision finale... Conrad nous décrit avec brio ces longues nuits tropicales en usant d'un champ sémantique autour de la notion de "ténèbres" digne d'un thésaurus, mais il est clair qu'on finit un peu par trépigner devant l'inertie qui gagne l'ensemble de ces Blancs piqués par une mouche tse-tse. Heureusement finalement que le vieux fou de Jörgenson (un aventurier sur la sortie) - et le jeune Carter (un capitaine de bateau guère expérimenté mais volontaire) finissent par prendre les choses en main, sinon le bouquin aurait pu faire trois mille pages de plus... Certes, on se plonge volontiers dans cette ambiance conradienne tropico-romantique, mais on ronge terriblement son frein lorsque l'on voit s'éterniser ce que l'on pensait être de simples scènes d'exposition. Bref un plaisir de lecture toujours évident, mais on est tout de même assez content d'en voir le bout...      

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