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20 avril 2010

LIVRE : La Fin du Monde de Philippe Djian (illustré par Horst Haack) - 2010

9782862276373En grande forme cette année décidément, le Philippe Djian : après un roman plutôt réussi (Incidences), le voilà déjà de retour avec une nouvelle parfaite d'ironie et de double sens. L'"objet" publié par les éditions Alternatives sent un peu le bling-bling au départ : un texte court, illustré par un artiste assez trash, et préfacé par Marie Darrieussecq (...), ça sent un peu l'appel du pied à la couverture des Inrocks, et on tremble. Mais on se rassure très vite : si la préface est effectivement assez désastreuse (Darrieussecq, qui ne sait pas quoi dire, recopie son dictionnaire des citations, des fois que, sur un malentendu...), le texte de Djian est superbe : ramassé en quelques lignes, on assiste au discours d'un nonagénaire se sermonnant lui-même sur sa naïveté : il a cru pendant 50 ans à la fin du monde, à l'Apocalypse final,... et puis non, tout va bien. Il décrit alors un monde contemporain délivré de toute douleur, de toute crainte, un monde quasi-parfait, où "le ciel n'est pas seulement bleu, mais parfaitement bleu", où la cocaïne est bonne, où on peut encore se faire sucer pour un bon prix... bref, une horreur intersidérale qui n'est pas sans rappeler ce bonheur puéril vanté et visé par nos politiques actuels (les caméras de surveillance et les allusions à l'épuration de tous les éléments étrangers à la béatitude sont finement distillées).

La fin du monde n'a pas eu lieu, mais le monde est dix fois plus horrible qu'elle. Pour décrire ce milieu concentrationnaire affreux, Djian manie une petite musique impeccable, entre poésie urbaine (il y a du slam là-dedans, comme dans ses meilleurs romans) et nouvelle naïve. Les mots sont simples et forts, claquent avec une sonorité parfaitement maîtrisée, font mal sans en avoir l'air. Voilà finalement un texte relativement ambitieux sous sa simplicité et sa vitesse d'éxécution, qui manipule le détail (l'horreur contenue dans une gaufre à la chantilly...) pour mieux parler du monde. Dommage que les collages de Haack, remarquables par ailleurs, viennent souvent souligner un peu lourdement le texte, nous expliquant ce qu'il y a à comprendre sans finesse : des images de cadavres sur des passages naïfs, des trous, béances, tâches et autres ratures sur ce qui aurait mérité d'être lissé, Haack ne sait pas toujours opter pour la bonne distance, et saccage un peu le travail de Djian sur le double langage. Mon conseil : lisez le texte, puis regardez les images à part. Chacun de ces deux auteurs est bon dans son domaine ; ensemble, c'est plus douteux.

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