LIVRE : La Lionne blanche (Den vita lejoninnan) d'Henning Mankell - 1993

J'avais déjà une certaine tendresse pour Henning Mankell, dont les polars sentent la bonne vieille école classique : purement consacrés au suspense, droits comme des i, avec un personnage attachant (le mi-figue commissaire Wallander) et des rebondissements au taquet. Avec La Lionne blanche, il me convainc définitivement. Le livre est formidable, ample comme une saison de 24h Chrono.

A partir d'une enquête à priori très classique et "petite" (le meurtre d'une femme sans histoire en Suède), le scénario du livre déploie lentement des dizaines de pistes beaucoup plus vastes, mêlant la politique en Afrique du Sud au crime organisé. Le récit devient petit à petit mondial, les recherches sur le terrain de Wallander déclenchant automatiquement des évènements immenses de l'autre côté de la planète. Sont impliqués Mandela et De Klerk, des tueurs à gage russes, des groupuscules nazis, des militants anti-apartheid, des petits voleurs à la tire, des politiciens verreux, etc. Le suspense est total, et on frémit à chaque chapitre (terminé soigneusement par des coups de théâtre qui font passer de sérieuses nuits blanches), et jusqu'à la toute dernière page. Bien sûr, Mankell n'est pas Faulkner : son écriture est assez factuelle, sans style, visant simplement à l'efficacité de la trame. Mais tout de même : dans le portrait troublant de son commissaire flirtant avec l'illégalité et la dépression chronique, dans sa belle reconstitution d'un écheveau criminel complexe, dans ses descriptions de la psychologie d'un tueur sans pitié, dans la brutalité de certains de ses épisodes, l'écriture se fait joliment ambitieuse. En tout cas, dans la construction de cette aventure haletante, Mankell a incontestablement un grand talent de narrateur, efficace et connaissant parfaitement les rouages du genre. On quitte cette histoire à bout de souffle et complètement sous le charme de cette littérature couillue et captivante.