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27 juillet 2008

La Splendeur des Amberson (The Magnificent Ambersons) d'Orson Welles - 1942

GeorgeAmberson

J'imagine qu'il doit y avoir une bonne centaine de thèses intelligentes sur ce film à trouver sur le net, je ne vais donc pas trop faire le malin. C'est le classique de chez classique, et sa réputation n'est pas usurpée, même si, curieusement, c'est en creux que le film séduit le plus, par ses manques plus que par son résultat.

On le sait, The Magnificent Ambersons a été saccagé par les producteurs, et ce qui touche le plus là-dedans, c'est justement l'ambition démesurée qu'on sent malgré tout derrière tout ça, les concessions qu'a Eugene_and_Major_smalldû faire Welles. Sans le redécoupage des studios, le film aurait été une splendeur au-delà de tout, une pierre de touche, un point de non-retour. On imagine le projet initial : dessiner, à travers quelques personnages, l'entrée de la société dans l'ère industrielle, et avec elle le lot de renoncements et de frustrations de la société. Ample ambition, que Welles ne laisse jamais tomber dans la froide théorie : son scénario est très beau, un mélodrame poignant qui laisse toute sa place à l'humain. Plutôt que de se livrer à une classique reconstitution historique, il s'applique à symboliser cette métamorphose sociale en tragédie amoureuse, à travers deux personnages (Cotten et Costello) : ils s'aiment profondément, se cherchent toute leur vie durant, mais les conventions sociales associées aux contraintes de l'expansion économique de la famille de le jeune femme vont mettre une barrière à leur amour. Le mariage ne se fera jamais, la faute aux on-dit, à la fuite du temps et au fric. Bien belle histoire, que Welles traite au plus près de ses acteurs : Cotten est sublime d'élégance et de tristesse rentrée, Costello est l'archétype de la femme assouvie. Ils se trouvent contre leur gré à la charnière d'une époque (symbolisée par la mutation des grandes villes et la naissance de l'automobile), et sont broyés par le progrès.

Autour d'eux gravitent deux générations : l'une "old fashion, endossée par le major Amberson, vieil homme Georgewindow_smalldigne et grave dépassé par le progrès ; l'autre par le jeune couple Baxter/Holt, déjà un pied dans la nouvelle ère qui commence, mais encore trop dans l'ancienne pour ne pas être eux aussi emportés par la vague. Welles les filme comme des fantômes, confirmant le fait que le cinéma est l'art de filmer des morts. S'il multiplie à nouveau les prouesses techniques (contre-plongées écrasantes, paysages de neige bouleversants, montage hyper-dynamique), il change assez radicalement de style par rapport à Citizen Kane. Et c'est le deuxième coup de génie de The Magnificent Ambersons. On dirait qu'il a compris les vertus de la simplicité, la force qui peut se dégager du simple enregistrement des visages et des The_magnificent_Amberson_movie_trailer_screenshot__3_corps. En ce sens, le plus beau plan du film est ce long portrait du major, en plan fixe, dont le visage est traversé de lumières et d'ombres, comme s'il était devant un écran de cinéma, et qu'il assistait au film de sa vie. Dans la sobriété du cadrage, dans la longueur de la séquence, Welles atteint au sublime, sans fioriture, sans effet. Je suis un inconditionnel de Citizen Kane, mais assister en direct au passage à l'âge adulte de Welles fait quand même son effet.

Dynamique, viscontien et spectral, le film déroule son lamento avec un magnifique sens du tempo et de l'émotion, rythmé par Trainstation40la voix d'outre-tombe de Welles, qui murmure son texte comme si elle commençait déjà à s'effacer de la pellicule. Les 20 dernières minutes sont un peu too much, tombant dans un mélodrame de gare (mais je crois me souvenir que ce sont justement ces moments-là qui ont été le plus retouchés par la prod), mais les reste est bouleversant et splendide à regarder. D'autant plus que c'est une belle occasion de rêver à quel génie absolu aurait été Welles sans l'intervention de l'économie de marché. Un grand désastre, décidément. Mais ce film sort victorieux de toutes les manipulations, hurlons donc notre amour.

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