Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
22 juin 2023

LIVRE : L'Expérience des Fantômes de Fabrice Humbert - 2023

4e4db1fb64714c1b8b708fef3eac4b8c2b2d9095408d4a999c248f52a1bc9f03L'auteur des cérébraux romans passés nous revient aujourd'hui par des sentiers détournés avec un formidable récit venu d'inattendues inspirations : L'Expérience des Fantômes est un récit historique qui n'a pas grand-chose à voir avec L'Origine de la violence ou Le Monde n'existe pas. On y reconnait la rigueur de notre homme, mais teintée cette fois de fantastique, jouant agréablement entre les faits et la légende. Le récit de l'expédition mythique du Terror et de l'Erebus, partis dans les années 1830-1840 à la conquête de territoires inconnus de l'Antarctique, est propice au surnaturel. Il y avait déjà eu la belle série fantastique, voici donc le roman. Sauf que Humbert décide de prendre un biais original pour nous parler de la chose : moins que la narration précise des aventures (absolument incroyables) de ces marins perdus dans les glaces, on aura droit à un point de vue très différent : celui de Jane Franklin, épouse du célèbre chef de l'expédition John Franklin, porté disparu avec tout son équipage pendant de longues années. Restée en Angleterre, celle-ci a une intime conviction : son mari n'est pas mort, elle le sentirait si c'était le cas. Portée par cette foi inébranlable, par une conviction à faire bouger les montagnes, par sa fortune et par l'appui de quelques notables, politiques et écrivains touchés autant que terrorisés par cette force en marche, elle va donc, pendant une dizaine d'années, lancer des expéditions pour retrouver son époux. Il en résultera morts d'hommes, destruction de réputations, espoirs et désillusions, mensonges et réécritures d'Histoire, mais elle ira jusqu'au bout de son projet : remettre la main, au milieu de l'immensité glacée, sur l'homme qu'elle aime et admire.

L'excellente idée du livre, c'est d'avoir choisi un angle fantastique pour décrire tout ça. L'histoire de cette expédition est en elle-même teintée de terreur et de mythe (le cannibalisme, la folie), mais la quête de Jane plonge plus encore dans le surnaturel, au moment où, en dernière extrémité, elle fait appel à des voyantes et des fantômes pour retrouver la trace de John. Le roman plonge alors dans une subtile réflexion sur la légende et la réalité, Jane allant jusqu'à demander à Dickens ou aux marins partis en quête du Terror de réécrire l'histoire, faisant au final de John Franklin un héros et un pionnier, alors que tout prouve le contraire. Les plus belles pages sont celles où la conviction de Jane se trouve confortée par les spectres, l'au-delà, l’irraisonnable. Des moments improbables qui vont se retrouver aux-mêmes confirmés par l'histoire. La foi de Jane est si forte qu'elle convainc tout le monde de la véracité de sa croyance, même au prix de fumeuses théories. Comment la conviction d'une femme a pu fabriquer une réalité : c'est peut-être là le projet du livre de Humbert. L'écriture du bougre, fluide, sans esbroufe mais non sans panache, se met au service de cet aspect étrange, peuplé de petites filles lumineuses et de géants effrayants, comme un conte pour enfants un peu flippant. Mais l'auteur reste en même temps toujours du côté des faits, de la narration historique, ce qui fabrique un bouquin passionnant, mythologique, aussi satisfaisant du côté fantastique que du côté factuel.

Commentaires
E
Non, non, ah meu que non, non... L'épouse n'a absolument rien demandé à Dickens ! <br /> <br /> <br /> <br /> Ce dernier se trouvait surtout troublé par la foi inébranlable (la foi l'est toujours, s'pas) de la dame, l'aspect ésotérique du "Je sens dans mon coeur et ma chair que mon mari est vivant". Et tout ce pognon qu'elle dépensait pour les recherches!... <br /> <br /> <br /> <br /> Quand un officier de la Royal Navy, après enquête, mit à jour le cannibalisme de l'équipage, ainsi que les squelettes des mangeurs et des mangés (chiens inclus), l'Angleterre se divisa. <br /> <br /> Bloc n°1 : "Des gentlemen ne peuvent pas avoir dévoré d'autres gentlemen, même pour survivre sur la banquise! Impossible."<br /> <br /> Bloc n°2 : "Ben, si on a faim? Que votre religion vous interdit le phoque, he ?.."<br /> <br /> <br /> <br /> Par ailleurs, le côté "télépathie par l'amour" fascine notre Big Charles D. qui s'intéresse depuis belle lurette à l'hypnose, le mesmérisme, chamanisme, toussa... Bah, comme tout le monde en cette fin de XIXème siècle, y compris les honorables Totor Hugo, Tutur Conan Doyle, Philou Gautier, tous les grands cinglés de l'époque.<br /> <br /> <br /> <br /> Donc, Dickens se dit qu'une pièce de théâtre sur l'"héroïque équipage" ferait un tabac (pour lui, le cannibalisme, même pas en rêve!) . Personne ne lui souffle l'idée. Sauf peut-être son sens des affaires. Et sauf peut-être, le brave Wilkie Collins entre deux vapeurs d'opium (lui, par contre, qu'on se bouffe entre gentlemen, ça lui paraît pas du tout impossible) . <br /> <br /> <br /> <br /> Ils s'y mettent donc à deux. Dickens à grands coups de blablas, trop occupé à terminer son phénoménal chef d'oeuvre "Our mutual friend". <br /> <br /> <br /> <br /> La pièce est intitulée "FROZEN DEEP" (en français "L'Abîme", puis, plus récemment "Profondeurs glacées"). Elle est signée du seul nom de Wilkie Collins car Dickens, certain après coup qu'elle ne marcherait pas si bien que ça, lui en avait abandonné la paternité. <br /> <br /> Collins affirmera que les dialogues du Capitaine sont bien de Dickens, ainsi que tout le côté mélo et grandiloquent. <br /> <br /> <br /> <br /> Qui la joua , à votre avis ? <br /> <br /> hé oui : Dickens lui-même ! (Il adorait ça, ce cabotin. En plus, il couchait avec la petite actrice de 18 ans). Il se donne le rôle du valeureux capitaine . <br /> <br /> Et Collins a le rôle du second du capitaine ( un peu comme dans la vie réelle). <br /> <br /> Les représentations ont lieu dans les maisons de la english gentry , puis dans un ou deux vrais théâtres à Londres. (J'aurais voulu voir ça... sigh!)<br /> <br /> <br /> <br /> Et... la pièce a marché! On peut supposer que Dickens a regretté de ne pas l'avoir au moins co-signée.<br /> <br /> <br /> <br /> Dans la foulée, Collins l'a transformée en roman court. <br /> <br /> En ce temps-là, on recyclait, rien ne se perdait, car le droit d'auteur était une denrée rare.
Répondre
Derniers commentaires