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Shangols
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24 septembre 2020

LIVRE : 2030 de Philippe Djian - 2020

"Il leva le nez vers les étagères de livres qui couvraient les murs. Il aimait l’odeur des librairies, l’odeur de l’encre et du papier. Les choses ne sentaient plus grand-chose en général, mais certaines résistaient. Parfois il choisissait des livres à l’odeur – ce qui rendait nerveux les vendeurs et les gars en costume sombre qui s’inquiétaient de voir un type qui flanquait son nez dans les livres comme un malade. Plus personne aujourd’hui n’aurait eu l’idée de voler des livres, alors ils surveillaient quoi, les vigiles, s’interrogeait Greg."

2030-Philippe-DjianLe Djian nouveau est arrivé et comme d'habitude, on se lance dedans l'air goguenard en se disant que ce ne sera sûrement pas le livre de l'année mais que le Philou devrait bien, sur une centaine de pages, nous faire passer un moment agréable alors même que la marée monte et que le soleil laisse ses dernières forces sur la plage. Un Djian futuriste, sous l'égide de la figure titulaire Greta Thunberg, la petite chiante à nattes qui a déjà deviné dans sa boule de cristal toutes les futures catastrophes environnementales. Djian, une fois n'est pas coutume, se met à la page, évoque ce climat qui s'est diablement réchauffé, ces laboratoires qui mettent sur le marché des produits dangereux en se contentant de ramasser la monnaie, ces jeunes manifestants qui voudraient que les temps changent... Son héros, Greg, bosse justement dans un labo, couvrant contre son gré les malversations de son beauf... Outre ce petit problème moral, sa vie affective est partie depuis pas mal de temps en lambeaux : une femme et un fils mort dans un accident de bagnole ; une catastrophe dans laquelle il semble avoir des torts, torts qui semblent d’ailleurs devoir le hanter jusqu'à la fin de sa vie. Tout n'est pas complétement noir, tout de même, puisqu'il s'occupe de ses nièces qui le reboostent (notamment celle engagée dans la cause thunbergienne) et vient de croiser une éditrice, Véra, qui réveille quelque peu sa libido. Les temps changent, mais pas forcément dans le mauvais sens, ou se dirige-t-on tout droit, pied au plancher, vers la catastrophe - pour Greg comme pour l'humanité ?

Djian nous sert des paragraphes serrés, des petits morceaux toujours aussi plaisamment rythmés, et des dialogues au taquet qui s'enchaînent comme les refrains d'une chanson déjà sifflée dans une autre vie. Il écrit droit, sans se perdre dans de quelconques tergiversations parallèles, évoque deux ou trois morceaux de musique à tout casser (deux tueries que je vous conseille en passant), recentrant son récit autour de ses personnages principaux : Greg, sympathique, un peu paumé et la tête un peu près du bonnet, Anton, son beauf, une masse qui ne s'emmerde pas avec de quelconques problèmes de conscience, Véra, une éditrice un peu volage et volatile, Lucie, une gamine de 14 ans qui aimerait déjà pouvoir agir, ou encore sa sœur, piégée dans sa chaise roulante, gardant en elle de lourds secrets. Des individus assez bien dessinés qui donnent un peu de relief à cette histoire qui se lit en une bouchée ; des drames, pour ne pas dire des tragédies surviennent forcément au moment où l’on s’y attend le moins (attentats, accidents divers, coucheries à haut risque...) mais remarquons que Djian ne force pas le trait, allant droit au but, concentré sur la trajectoire rectiligne de son héros troublant et troublé. Une cuvée correcte, sans fioritures et finalement assez légère malgré une ambiance lourde, comme marquée au fer rouge – et cette putain de sécheresse qui sévit... Djian déroule, toujours encore capable de sortir des phrases à rallonge à la chute inattendue : "Elle resta plongée dans ses pensées cependant que la rumeur de la ville s’amuïssait et que l’on entendait le grincement alentour des branches mortes qui ne tarderaient pas à tomber et pour certaines rouleraient jusqu’au bord du lac et finiraient dans l’eau – le mois dernier, un tronc mort avait dévalé la pente, franchi la route, défoncé une barrière, manquant de peu d’écraser un promeneur et son chien, tandis que sa femme qui marchait derrière eux était tuée sur le coup". On ne renâcle point à son petit plaisir annuel, plus si coupable.   (Shang - 20/09/20)


Bon, il faut bien que je m'y attelle moi aussi, on ne peut pas reculer indéfiniment. 2030 est le pire livre de Djian depuis l'immonde Ca, c'est un baiser (2002), et c'est même pas loin d'être le pire livre de cette rentrée (et je dis ça en sachant qu'un Marc Levy est annoncé). Le bâclage qui menaçait depuis plusieurs livres est ici totalement avéré : le gars est pris en flagrant délit de dilettantisme avec ce roman ni fait ni à faire. Chacune des phrases sent le faiseur roublard, le mec fatigué qui ne se donne même plus la peine de se relire ou d'inventer une quelconque trame pour cacher sa triste écriture. Ce qui d'ordinaire fait le charme de Djian, l'humour, le rythme, le décalage, l'excès dans les événements, fait défaut dans ce livre qui ne raconte rien, ne dit rien, ne sert à rien. On regarde consterné cette suite de dialogues pas super bien écrits, répétitifs, ennuyeux, en constatant que, en matière d'écologie, le gars a autant d'opinion que moi sur Neymar. Sur le papier, on peut trouver intéressant qu'un type de "l'ancienne génération" s'intéresse au futur, et qu'il décide de faire un livre sur notre avenir proche ; mais concrètement, qu'il le fasse avec un tel manque de discernement, avec un tel je m'en-foutisme relève de l'exploit. Djian ne fait absolument rien de son sujet... si sujet il y a. Car, outre le vague fond de réchauffement climatique, il pense réussir un portrait familial comme il en a fait beaucoup (trop) ces derniers temps : mais les personnages sont des ombres (à commencer par le principal), les dialogues sont exsangues et ennuyeux à mourir, et l'histoire en elle-même aussi passionnante qu'un épisode de Sous le soleil. Quelques explosions attendues, quelques accidents viennent de temps en temps tenter de mettre un coup de nerfs là-dessus, mais c'est peine perdue : on s'en fout complètement, jusqu'à la dernière ligne de la dernière page.

Et puis, surtout, ce qu'on va avoir du mal à lui pardonner, c'est ce style infâme. Djian n'a plus grand-chose à prouver, son nouvel éditeur lui fait confiaNce, inutile donc de se relire. Ça lui aurait pourtant évité les aberrations, comme cette pluie qui arrête trois fois de tomber en 5 pages (preuve que dérèglement climatique il y a, me direz-vous), ou comme ces phrases devant lesquelles je suis resté bouche bée : celle citée par mon camarade de jeu, qui pour moi remporte la palme de la plus mauvaise phrase de la littérature contemporaine depuis les amphigouries d'Alexandre Jardin (je voulais la prendre en exemple de ce qu'il ne faut pas faire, mais Shang m'a coupé l'herbe sous le pied en même temps qu'un bras); ou cette autre, dont je continue à essayer de trouver le sens : "La pluie faisait un bruit de biscotte écrasée qui ronflait soudain sous les bourrasques." (notez au passage que la pluie avait cessé de tomber page précédente). Le gars hurle partout qu'il cherche toujours la bonne musique pour chacune de ses phrases, à croire qu'il commence avec l'âge à devenir complètement sourd. Je termine ce bouquin de 898 pages (longueur ressentie) complètement à plat, en actant la mort d'une idole... en espérant que ce n'est qu'une sieste...   (Gols - 24/09/20)

Commentaires
O
Génie. Il n'a sans doute jamais écouté la pluie tomber non plus.<br /> <br /> <br /> <br /> Ami, entends-tu le ronflement des biscottes qu'on écra-se... ?
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O
Ce n'est pas tant les consonnances ou les conjonctions de coordination (si c'est toujours comme ça que ça s'appelle) qui m'interpellent, perso, mais plutôt cette question: est-ce que Dijan a déjà vu un arbre, en vrai?
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G
Oui. C'est exactement la phrase que je voulais citer pour pointer la désolation totale de ce pauvre roman. Lourdeur, rythme dans les baskets, humour absent, sujet totalement inintéressant. J'y reviens mais je ferai pas long: c'est consternant...
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M
Oh là là là...<br /> <br /> Déjà, "Elle resta plongée dans ses pensées, et "la rumeur de la ville s'amenuisait", c'est le genre de formules gelées qui attise la circonspection, limite répulsion ... Mais quand c'est emballé dans les petits wagonnets du genre "cependant que.", ou "et que l'on" ... Pfffiou.<br /> <br /> La chute est amusante, d'accord, même si pas neuve, je ne dis pas mais que de lourdeurs ! Que de "en- an"... avant ! ('cependant, entend, grincement, alentour, branches...)<br /> <br /> Han ! Elle fut dure à tirer, sa phrase, on le voit tirer la lan-angue, notre Dji-an-an ... <br /> <br /> Timber ! <br /> <br /> (Ou rompez!!)
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