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11 juillet 2020

LIVRE : Le Cafard (The Cockroach) de Ian McEwan - 2019

9782072891922,0-6485981Entre deux livres ambitieux, McEwan écrit ici une farce produite sous l'effet de la colère. Pour lui, la grande tragédie du moment, c'est le Brexit, et le grand ennemi est le premier ministre Boris Johnson, qui en a porté l'idée envers et contre toute réflexion raisonnable. Avec son esprit caustique légendaire, notre homme trousse donc une fable satirique d'une rare violence, qui prend Kafka comme point de départ : un cafard se retrouve mystérieusement transformé un beau matin en premier ministre britannique, en charge qui plus est de la réforme la plus novatrice qui soit. Il est en effet convaincu du bien-fondé du "Réversalisme", un système qui remet en cause toute l'économie, qui consiste en gros à payer pour travailler et être payé pour consommer. Système absurde mais que notre homme-insecte va défendre bec et ongle, et que, à force de manoeuvres politiques, d'accointances secrètes (Trump en prend plein la tête aussi), et d'entubes diplomatiques, il va réussir à imposer à son pays, l'isolant complètement du reste de la planète, coupant tout rapport commerciaux avec les autres pays. La fable est tellement transparente qu'on fait sans problème le lien avec la politique actuelle en Angleterre, et l'ironie cinglante de McEwan fait le reste : inspiré des pamphlets caustiques de Jonathan Swift, qu'il cite en exergue, il se livre à un jeu de massacre en règle de la bêtise et de la madredrie de son personnage principal, appuyant très fort sur la stupidité de son peuple et l'apathie de ses dirigeants pour fustiger l'état actuel de son pays : une impasse complète, qui le précipite vers sa perte.

Certes, McEwan a la main lourde. Quand il décrit les conversations téléphoniques avec Trump ou les manipulations d'opinion, il ne s'embarasse par de pincettes et y va au bulldozer. Mais la colère qui l'anime, l'indignation, la révolte, sont pour beaucoup dans le plaisir qu'on prend à ce petit bouquin presque plus cynique qu'ironique, presque plus "wildien" que swiftien. C'est l'humour qui sauve la chose, humour qu'il manie, on n'apprend pas au singes à faire la grimace, avec un art consommé du détail caustique, du dialogue absurde, du non-sens typique de sa culture. On sent un texte écrit dans l'urgence de la rage, dans le désir d'insuter ses dirigeants et ceux qui les soutiennent. C'est un peu la limite du livre, qui souffre de quelques défauts de révision : cette histoire de cafard qui se transforme, notamment, n'est pas filée jusqu'au bout, abandonnée trop vite, et il ne renoue avec ce film qu'avec la toute fin du roman, c'est-à-dire trop tard. Mais c'est aussi ce qui fait la force du Cafard : le vitriol qui s'y déverse tout feu tout flamme, sans vrai contrôle, sur la politique et les politiques britanniques, la colère transformée en farce, la façon frontale qu'il a de décrire la machinerie du pouvoir et l'ego de ceux qui nous dirigent. Furieusement drôle.

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