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17 janvier 2017

LIVRE : Article 353 du Code pénal de Tanguy Viel - 2017

9782707343079,0-3711696Viel continue à creuser patiemment son genre, le polar en écriture blanche, et ajoute une jolie pierre à son édifice. Pas de grand drame dans Article 353 du Code pénal : juste, au tout début du livre, un meurtre, accompli même pas tout à fait jusqu'au bout par Martial Kermeur, brave breton licencié de son entreprise et recyclé en gardien de château, sur Antoine Lazenec, promoteur immobilier escroc. Même pas de fuite, même pas de deuxième crime, même pas de coups de théâtre : le gars se fait arrêter et raconte au juge la mécanique des événements qui ont entraîné la chose. Pas grand-chose non plus dans le corps du texte : le simple enregistrement d'une détresse sociale comme en partagent des milliers de prolos, licenciés, humiliés, ayant cru une seconde au bonheur économique, et qui se retrouvent du côté des losers come d'habitude. Le triste constat d'une fracture sociale qui joue désormais à visage découvert, où les nantis escroquent les petits en toute impunité, où la seule référence est l'argent-roi, où l'humiliation se joue lentement, petitement, irrémédiablement, et sépare les hommes. Viel est très habile pour fouiller dans les relations entre les deux hommes, ce mélange d'amitié, de crainte, de respect, d'admiration, de haine et de dégoût, qui s'empare de Martial à l'égard d'Antoine. Représentant à lui seul le succès économique fier de lui, celui-ci est subtilement peint par l'auteur dans toute sa suffisance et sa confiance, véritable maître d'oeuvre de l'effondrement d'un village. Le portrait de ces bourgades impressionnées par le succès et le miracle économique est lui aussi parfaitement réussi, et il y a même le regard de la génération suivante, en l'occurrence le fils de Martial, qui est dépeint avec désespoir par Viel : ce que ne sont pas arrivés à faire les parents, les enfants le rateront aussi, en pire.

C'est avec une écriture discrète que Viel avance. Pas de grands éclats, pas de saillies véritables dans ce texte qui sait se tenir. Le gusse ne fait pas dans la démonstration, ne fait pas dans le jugement, et condamne aussi bien ces loups qui dévorent les moutons que la vanité un peu ridicule de ces moutons. La (fausse) simplicité de l'écriture, en fait très joliment sophistiquée dans son montage, est là pour metre à jour le monde moderne, à travers un de ses plus petits détails : à travers le fait divers, Viel dit beaucoup de choses. Il en profite pour réaliser un polar à la Simenon assez passionnant, et retranscrit parfaitement l'état des choses. Notons quand même parfois un vocabulaire un peu flou (un "chéquier plus épais que les autres", vraiment ? Des dominos qui tombent "sans crier gare", ah oui ?), ce qui alourdit un tout petit peu la chose. Mais, malgré tout, un roman qui passe comme de rien, très modeste dans l'écriture et en même temps ambitieux dans le fond, encore une fois un travail sans tâche de notre bon Tanguy Viel.

Commentaires
G
Ah, question de goût, Mitch, moi je trouve ça flou... Ce qui n'empêche qu'il faut lire ce bouquin, voui voui.
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V
"Un chéquier plus gros que les autres"...<br /> <br /> Les "dominos qui tombent sans crier gare".<br /> <br /> Wah ! <br /> <br /> Mais c'est tout léger, au contraire. Image immédiate, tout sauf floue. <br /> <br /> Genre de phrases qui donne plutôt envie de lire, non ?
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