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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
9 janvier 2017

SERIE : Gomorra saison 1 - 2015

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Vous me trouvez pieds et poings liés par cette série addictive, pourtant simple et droite comme un peuplier. Gomorra, c'est Le Parrain sans Hollywood, sans l'aspect baroque, et malgré l'admiration que j'ai pour ce dernier, je suis ébahi par ce portrait contemporain de la mafia, qui sait être d'un réalisme total tout en développant des personnages forts (et qui foutent bien les miquettes). C'est l'histoire très classique de deux clans qui s'opposent : d'un côté, Salvatore Conte, dirigeant suave et fils à mamma qui tente d'imposer son régime sur une Naples qui semble entièrement constituée de mafieux ou d'hommes de main à son service ; de l'autre, le clan Savastano, vieux de la vieille de la malversation et du crime à ciel ouvert, qui tient à garder son territoire bien à lui. Au milieu, une sorte de Clint Eastwood contemporain, mais sans glamour, le félon Ciro di Marzio, qui va habilement jouer sur les deux tableaux pour tirer son épingle du jeu, et entourlouper Savastano Junior pour prendre le pouvoir. Tout le reste : règlements de compte, tractations à double tranchant, éxécutions sommaires et trafics bien huilés, dans une Italie moderne filmée comme un territoire entièrement régi par le crime.

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C'est le réalisme de cette série qui force d'abord le respect. Les bandits sont des gens ordinaires, petits mecs bedonnants ou jeunes loubards, mères de famille soumises ou adolescents rêvant de grandeur. Le décor est fait de lieux qu'on reconnaît, qu'on voit partout, banlieues livides et rues populeuses, intérieurs enfumés par la vapeur de l'eau des pâtes et salles de jeu clinquantes. Tout ce petit monde s'écharpe joyeusement, les crimes, montrés dans leur crudité (quand on meurt dans Gomorra, on meurt sec) s'accumulent, et la police, à peine évoquée ça et là, n'a pas le droit de cité. On croit à fond à ces conversations, à ces petits truands du dimanche qui finissent par vous mettre une balle dans la tête ou par s'en prendre une, à ces complots shakespeariens fomentés dans les arrière-salles des bistrots ou dans les caves des immeubles, à ces petits barons qui se prennent pour des seigneurs et qui, parfois, le deviennent effectivement. Les scénaristes racontent la chose sans esbroufe, sans juger les personnages mais aussi un peu effrayés (un peu cyniques ?) par l'impunité de ces meurtres en pleine rue ou ces deals de drogue à peine cachés. Il y a un grand soin apporté à la véracité des choses, et les gars ne refusent pas de filmer une scène inutile pour l'avancée de l'histoire mais qui saura préciser une atmosphère, donner un petit détail biographique supplémentaire à un gusse qui va mourir à la page suivante, ou rendre plus prenante une scène a priori banale. La série pourtant proche de 24 dans son écriture et sa façon de nous tenir en haleine avec la "petite histoire", en évite les écueils (le manque de crédibilité, la surenchère qui fait quitter le truc). Et pourtant il y a la même tension, et on se retrouve à se lever la nuit pour voir la suite.

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A travers ce contexte très concret, on retrouve des personnages principaux très tragiques, et les événements qui leur arrivent sur le coin du bec ne rougiraient pas de se trouver dans une pièce de Sophocle. Il y a un fils qui trahit son père, une femme qui prend le pouvoir, des amis qui deviennent des ennemis, des enfants tués, des clans entiers décimés en une minute. Là aussi, on aime ce côté "tragédie en plein jour" de la série, et, malgré un manque d'humour un peu handicapant à la longue (autre point commun avec 24), on se prend à bondir parfois dans son fauteuil devant la sécheresse de la chose ("oh nooon ! pas lui !"). Un savant mélange entre le tragédie grecque et le film de mafia, quoi. Mais la chose ne se laisse jamais aller au glamour, au fun, et reste d'une vérité implacable. On se dit qu'une saison 2 sera peut-être en trop, qu'il faudrait garder tel quel un équilibre aussi fragile entre quasi-documentaire sur l'Italie rongée jusqu'à l'os par la corruption et le crime organisé et grand film de personnages. Mais je ne vous cache pas que je trépigne comme un malade devant la saion 2.

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