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Shangols
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24 octobre 2014

LIVRE : Chéri-Chéri de Philippe Djian - 2014

product_9782070143184_195x320Le Djian nouveau est arrivé. Et le moins qu'on puisse dire c'est que le Philou est en forme au niveau de l'humour. Je n'attends plus grand-chose du gars au niveau de l'histoire (il s'agit de la traditionnelle histoire d'un écrivain (qui se travestit la nuit par plaisir, certes, mais aussi pour arrondir les fins de mois, les temps sont durs...) qui tente de survivre entre sa bimbo de femme, sa nympho de belle-mère et son fou-furieux de beau-père : bref, un gars qui voudrait vivre paisiblement mais qui doit constamment arrondir les angles pour ne pas sombrer dans la folie douce ambiante...). Je reste tout de même sensible au rythme de l'écriture de notre bon vieux Djian (des dialogues qui fusent, quelques descriptions avec des adjectifs à rallonge qui font leur petit effet) et surtout à sa causticité légendaire. Djian c'est un peu chaque année comme un Woody (la sénilité, pardon la stérilité imaginative ne permettant plus guère de parier sur ce dernier) : on sait pertinemment qu'on n'assistera pas à un chef d'oeuvre cinématographique ou littéraire, mais on prie pour que le gars soit suffisamment bien luné pour nous sortir des vannes et des réflexions dont il a le secret. Et j'avoue que dans la première partie tout du moins, lors des échanges tendus entre Denis/Denise, notre héro(ïne)s et Paul, son beau-père plus mafieux que De Niro dans un film de genre, on a plus d'une fois le sourire aux lèvres. C'est l'éternel débat entre la brute, le truand et le type naïf et cool, c'est loin d'être original dans l'oeuvre djiannesque, mais on a l'impression, que, à l'im(âge) de son héros, le Philippe a retrouvé ses jambes et ses crochets (stylistiques) de ses quarante ans (oui, faut pas pousser non plus). Djian aime ce combat incessant du gars qui puise dans ses réserves, qui tente de faire pour le mieux (comme travesti/critique/écrivain), qui reste intègre et droit dans ses bottes contre ces sombres individus violents, incultes, vénaux, intolérants. Oui, le gars Djian tente de défendre une certaine idée du gars "juste" et pacifique dans ce monde qui suit une sale pente... Heureusement, la démonstration n'est jamais trop pesante grâce à ces petites saillies drolatiques qui arrivent à la fin d'une phrase comme un mini SCUD. Chéri-chéri se lit d'une traite, en deux-trois heures, convenant parfaitement pour sauver de la misère une journée un peu terne : avec Djian, la nuit prend soudainement des teintes rose-pêche qui n'ont pas grand-chose à voir avec la choucroute ni avec la grande littérature, certes. Mais on ne peut s'empêcher, juste avant de plonger dans un sommeil réparateur, de lui être reconnaissant pour nous avoir amusé le temps d'un cessez-le-feu a minima entre deux guerres mondiales. Chéri-Chéri vaut tout de même un peu mieux que sa couverture... un chouïa putassière.   (Shang - 11/10/14)


919051coverDans le même état que mon compère après lecture de ce très bon cru djiannesque. Voilà bien longtemps qu'on ne lui demande plus de nous ravager, et il ne cherche plus à le faire ; mais retrouver ainsi ce bon vieux poteau qu'on perd de vue très souvent est bien agréable. Cette fois, ses coquetteries et crâneries de style aboutissent à de vrais beaux passages. Deux figures qu'il a déjà tentées par le passé : 1/ effacer toute ponctuation autre que le point et la virgule : lui appelerait ça épuration de l'écriture et en appelerait à Hemingway ; calmons-nous, et disons plutôt que ça fabrique une intrigante musique, un à-plat des dialogues qui fonctionne bien. C'est comme si les personnages parlaient en sachant déjà ce que l'autre va répondre, grâce à l'absence de points d'interrogation surtout. Ca fabrique mine de rien une fatalité omniprésente sur les épaules de ce brave anti-héros. 2/ supprimer les interlignes, et surtout insérer les dialogues dans les passages de discours indirect : là aussi, très beau travail de recherche formelle, qui donne un flow impeccable à l'écriture. Les scènes s'enchâssent les unes dans les autres parfois avec pas mal d'audace (des ellipses acrobatiques qui marchent, pour une fois), un personnage peut prononcer une phrase sans qu'on n'indique qu'il s'agit là d'un dialogue, ça construit son rythme avec beaucoup de force. Osons le mot : Djian écrit bien, et écrit original. On reconnaît, comme le dit Shang, notre auteur à la valeur de ses vannes, mais on le reconnaît aussi à cette écriture : 9 fois sur 10 on soupire en le suppliant de revenir à la simplicité, mais cette fois cette sophistication fonctionne, et on retrouve l'expérimentateur sincère qu'on aime.

Pour le reste, autrement dit la trame, il est vrai qu'elle passe très au second plan, mais Djian ne s'en cache pas. C'est le minimum syndical, faire tenir ensemble des personnages qui se parlent et qui baisent, le gars ne cherche pas plus. Agréable allégorie, cela dit, que celle de cet écrivain travesti, investi de sa noble tâche littéraire le jour, et contraint aux putasseries du show-biz la nuit venue. Voilà un autoportrait aussi drôle que cynique, et sous couvert de parler de numéros de cabaret, Djian arrive à placer ça et là quelques jolies remarques amères sur le statut de l'écrivain aujourd'hui, et sur le sien propre (des difficultés à être un ex-auteur à succès revenu de tout). Bref, notre gars revient en forme, ça lui arrive encore de temps en temps.

Ah oui, la couverture... j'ai pas d'avis.   (Gols - 24/10/14)

Commentaires
F
Je vous adore, vous avez réponse à tout. Et Mme de Merteuil almodovarisée aussi non?
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S
Japonisé su niveau des chevilles, je dis pas.
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F
Oui j'avais pensé aussi à Mme de Merteuil, un peu japonisée...
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S
Flop au lac, vous devez confondre les geishas au Japon et le XVIIIe siècle en France. M'est avis.
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F
Je l'aime bien la couverture moi. Un mix entre la geisha, la pute, et le travesti.
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