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21 mai 2013

LIVRE : Paris-Brest de Tanguy Viel - 2009

paris-brest,M107456Toujours à cheval entre roman noir et Nouveau Roman, Tanguy Viel creuse sa veine toute de personnalité avec cette chronique âpre des tares familiales et provinciales. On pense au départ qu'on a seulement affaire à un portrait à charge des habitudes familiales. Viel décrit avec minutie la terreur d'appartenir à une caste, à une ville, à un clan, alors qu'on aspire à en sortir. Sa vision de Brest, envisagée non du côté de l'océan mais de celui des murs épais de la maison de ses parents, des petites manies minables de ceux-ci, de leur vision étriquée de petits-bourgeois, est glaçante. On sait dès le départ que Paris le sauvera, qu'il envisagera la capitale comme une fuite, comme un refuge où il pourra enfin donner libre cours à ses envies (l'écriture) et à sa haine de sa famille : il y écrira un manuscrit-règlement de comptes, qu'il trainera avec lui jusqu'à une soirée de Noël fatidique.

Mais assez vite, cette chronique plonge dans le roman noir pur jus, grâce à un personnage très joliment dessiné : le fils de la femme de ménage, lutin maléfique très balzacien, qui va agir comme un mauvais esprit sur le narrateur. La lutte des classes prend des airs de drame bourgeois, on se dirige tout droit vers une résolution criminelle de ce conflit, et le livre se perd peut-être un chouille à essayer de faire monter un suspense inutile qui efface le venin de la première partie. On est alors entre Simenon, dans les moins bons moments, et Mauriac dans les meilleurs. On admire de toute façon la précision d'écriture, l'épure complète du style qui donne des phrases sèches et tranchantes, ce côté désabusé qui donne souvent un humour à froid délicieux, le sens du rythme et la construction d'ensemble. Viel est très bon pour mettre le doigt sur les choses qui font grincer des dents, pour mettre à jour la violence invisible du quotidien, pour fustiger la sacro-sainte institution de la famille en en construisant une effrayante et monstrueuse, et pour évoquer ce que c'est que donner naissance à un livre : un acte de vengeance, de résilience et de mise à distance. Excellent moment.

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