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Shangols
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15 avril 2013

Cléopatre (Cleopatra) de Joseph L.Mankiewicz - 1963

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Le peplum n'est pas le genre le plus fréquenté sur ce blog, et quand on redécouvre Cleopatra on se demande un peu pourquoi. C'est pourtant du spectacle dopé au maximum, une représentation clinquante et tonitruante de l'Hollywood que Shang et moi-même aimons particulièrement, et en plus on s'y marre bien, ce qui est un bonus pas négligeable. Mankiewicz a visiblement des moyens démesurés pour monter cette immense fresque de plus de 4 heures, et a certainement reçu comme consigne de faire apparaître à l'écran chaque dollar dépensé : on est dans la surenchère constante, oui, chaque petit plan équivalant en gros au budget de l'intégralité de l'oeuvre de Bruno Dumont. Le film est plus que superbe dans les scènes où on l'attend le plus, celles des grandes batailles, celles de meurtres de palais, celles des figurants par paquets de mille. La bataille marine, par exemple, est sidérante d'ambition : les bateaux se tirent des salves de catapulte les uns sur les autres, c'est un chaos complet, les acteurs tombent par dizaines à la flotte en hurlant, la fumée envahit tout l'écran... et pourtant on parvient à suivre chaque micro-détail, on regarde bouche bée une tactique militaire se mettre en place, on comprend chaque petit évènement de cette bataille. Pour mieux dessiner la violence de cette guerre, Mankiewicz rend visibles les projectiles qui s'échangent d'un navire à l'autre avec de la fumée colorée : c'est du coup un feu d'artifice hyper spectaculaire, et en plus ça permet d'assister très clairement aux aléas de la bataille.

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Autre grand moment de spectacle : la première arrivée de Cléopatre à Rome, qu'on peut qualifier de tonitruante il me semble. Mankiewicz sort à ce moment là les très gros moyens, et nous offre un quart d'heure de pure comédie musicale en jupette, les tableaux colorés s'enchainant en un véritable tourbillon visuel. Et puis, il y a le moment qu'on attend tous, ne serait-ce que parce que Mankiewicz l'a déjà tourné magnifiquement dans le passé, et qu'on attend de voir ce qu'il va en faire 10 ans plus tard : l'assassinat de César. La scène est ici presque plus belle encore : la fin du gars est filmée comme un cauchemar de Cléopatre, le visage torturé d'Elizabeth Taylor apparaissant constamment en surimpression de la scène, très stylisée, muette, graphiquement agencée. Coup de génie : la tirade historique adressée à Brutus ("Toi aussi") sera ici confiée à Cléopatre, détournée de son sens original. C'est le plus beau moment du film, situé à mi-parcours exactement, grand moment de cinéma "muet", qui se poursuit avec un contre-pied presque comique quand on se souvient de la fameuse scène de Jules Cesar : les diatribes de Marc-Antoine et de Brutus, pierres d'angle de la pièce de Shakespeare, sont ici inaudibles, étouffées par la clameur de la foule.

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Mais pour toutes les autres scènes, souvent constituées de longs dialogues dans les alcôves du palais, de complots politiques, de tactiques diplomatiques, de trahisons sentimentales, Mankiewicz est tout aussi habile. On a  beau regarder dans chaque coin de l'écran, pas un détail n'est innocent, tout est beau, réfléchi, pesé, du plus petit bibelot au 40ème figurant en arrière-plan (on reconnaît un film américain à ça : les figurants "jouent"), de la couleur de la colonne au fond à droite à la savonnette. Dans un écrin aussi parfait, les acteurs semblent s'en donner à coeur joie pour doper les sentiments surhumains dont ils ont la charge : si Taylor n'est guère plus qu'un délicieux porte-perruques (elle en a 623) et peine un peu à atteindre l'ampleur que méritait son rôle, la distribution masculine est géniale : Burton est à la fois d'une sensibilité de petit garçon et d'une virilité dopée aux hormones, il porte la jupette avec une dignité qui l'honore, et semble faire le lien entre le lyrisme de ses aînés (on pense souvent à Kirk Douglas) et les méthodes Actor's Studio ; Martin Landau, dans l'éternel emploi du sbire discret, est également tout en noblesse et en énergie ; Roddy McDowall, tout jeunot, est un félon idéal ; Rex Harrison campe un César inattendu, taquin et romantique. De toute façon, c'est bien simple, tout est parfait dans Cleopatra, c'est le cinéma américain dans sa nature même, quand il décide de faire un film qui restera dans les mémoires. Peut-être pas la porte ouverte à une "odyssée peplums" sur ce blog, mais en tout cas, le film le plus spectaculaire qui soit.

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Venez prier Joseph

Commentaires
G
Oui, Matthieu on se tapera un jour ou l'autre cette chute, puisque nous avons entamé une "odyssée Mann", et puisque, pour ma part, je suis assez fan de Mason.<br /> <br /> Et merci pour votre conseil et votre bravo.
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M
Pour vous réconcilier avec le peplum, je vous conseille La chute de l'empire romain d'A.Mann, qui est à mon avis un des indépassables du genre (sans séquences christico édifiantes à la Ben Hur et avec un James Mason en philosophe grec avec son accent british absolument parfait).<br /> <br /> <br /> <br /> Bravo pour votre blog et votre subjectivité assumée ( avec parfois un peu de mauvais esprit).<br /> <br /> <br /> <br /> matthieu
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