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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
5 novembre 2007

Jules Cesar (Julius Caesar) de Joseph L. Mankiewicz - 1953

Intéressant de revoir ce film aujourd'hui : on y trouve, sous la plume affûtée de Shakespeare et la réalisation rigoureuse de Mankiewicz, une très actuelle vision de la politique. Si Sarko avait un tant soit peu de culture, il pourrait en faire son film de chevet, tant on trouve là une sorte de compilation de la ruse diplomatique.

snapshot20070423112304

Le film n'est pas génial dans sa mise en scène, platounette, un peu embarrassée dans sa révérence à la pièce de Shakespeare. On sent Mankiewicz frustré de ne pouvoir placer  là-dedans autre chose que des dialogues et des scènes statiques. Sa seule tentative de doper la trame par une scène d'action se résout par des plans ratés sur une armée prise dans un traquenard par une autre, qui aurait fait rigoler n'importe quel réalisateur de western. Le gars n'est pas un cinéaste de films d'action, et tant pis. Il semble aussi un peu gêné par ces longues répliques qui empêchent le contre-champ (très peu de plans de coupe, les plans sont souvent trop longs) ; mais il compense par une belle intuition de la profondeur de champ et des gros plans, notamment dans les scènes de foule, qui privilégient toujours l'humain au profit du plan d'ensemble, et font de ce Julius Caesar une sorte d'anti-péplum, une fresque privée de spectacle.

BrandoasMarcAntony1953

Mais par contre, niveau acteurs et interprétation du texte, on est dans le très grand. Encore plus que le mirifique Brando (énorme dans ses tentatives d'insuffler ses influences de théâtre psychologique dans le verbe lyrique de Shakespeare), encore plus que le magistral Mason (d'une sobriété et d'une humanité impressionnantes, et étoffant son personnage par une ambiguïté remarquablement travaillée), on retient John Gielgud, aussi génial dans sa façon d'aborder le texte, classique et rigoureuse, que dans son jeu hyper-moderne et qui ne tranche jamais avec l'aspect historique du film. Il est absolument bouleversant dans sa scène finale où, ayant perdu amis et conscience, il s'empale sur sa propre épée dans un geste romantique très osé. Heureusement d'ailleurs que les acteurs sont bons, car la première heure est méchamment statique. Ensuite, à mi-chemin, il y a les fameuses 20 minutes de discours au peuple, et c'est absolument immense. Les deux orateurs, en une scène, dessinent une sorte de mode d'emploi du bon dictateur, et on dirait que Shakespeare a écrit sous la dictée des experts en communication actuels. Mason réussit à ranger la populace à son avis en utilisant la conscience collective, la droiture, l'honnêteté intellectuelle, et en utilisant son détracteur comme outil de sa bonne foi (Kouchner et Lang doivent en avoir du mal à dormir) ; Brando, encore plus grand, joue de la sentimentalité, du double-sens, de l'éloquence, et de la récompense pécuniaire pour retourner le peuple en un tour de main. Ces deux discours, filmés dans une belle utilisation de l'espace et des figurants, portés par deux comédiens magistraux, résonnent étrangement aux oreilles de l'électeur du XXIème siècle. Je ne m'étonnerai pas si le prochain discours de Sarko commence par "Romans ! Citizens ! My friend !". D'autant que les ambitions restent les mêmes 2000 ans plus tard.

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Bref, un film moyen dans la forme, mais porté par des acteurs au-delà de l'éloge, et surtout un film à voir avant les prochaines élections.

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