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20 août 2010

LIVRE : L'Invité Mystère de Grégoire Bouillier - 2004

2844851541_1_Grégoire Bouillier possède sa petite musique bien à lui, un style fait de longues phrases comme de vastes vagues qui prennent tout leur temps pour se gonfler, s'élever avant de venir s'échouer calmement (je m'essaie au lyrisme). Un style quoi. Il continue à partir d'une anecdote toute simple (il est "l'invité mystère" d'un anniversaire) de tisser des liens entre des coïncidences microscopiques (l'enchaînement de sa petite destinée) et macroscopiques (et si le personnage de son ex sortait d'un roman de Virginia Woolf, et si son histoire n'était pas liée à celle de la sonde Ulysse partie explorer le soleil...?) . Cela traduit-il la volonté de toujours tout ramener à soi ou tout simplement est-ce l'aveu que tout était déjà écrit et que l'on est finalement jamais maître de ce qui nous arrive ?... Il trouve quoiqu'il en soit un ton très émouvant pour nous faire entrer dans son intimité, sans avoir l'air d'y toucher, et plus il s'approche de l'intime plus l'on finit par s'identifier à ses déboires. Qui n'a jamais été quitté par une fille, et qui n'a jamais subi cette longue période de deuil du premier amour, vous allez me dire ? Certes. Mais, c'est souvent justement ce qu'il y a de plus difficile à traduire en mots et l'auteur y parvient avec une grande subtilité. Illustration avec ces petits morceaux de phrases suspendus en l'air comme des instants de grâce : "Tout au long de notre existence nous ne cessons finalement de nous éloigner de nous-mêmes" ; "Je lui souriais comme je ne souhaite à personne de sourire de toute son existence" ; "Je n'écoutais à cet instant que son visage" ; "Elle arriva chez moi dans une adorable petite robe marine à pois blancs qu'elle savait aller comme un gant à mon désir". Grégoire Bouiller ne devrait rester un mystère pour personne.   (Shang - 20/10/06)


Sans_titreJ'avoue vouer une passion sans borne à ce petit bouquin, que je relis régulièrement histoire de remettre un peu mes pendules à l'heure. Comme le fait judicieusement remarquer le Shang, un tel texte pourrait très vite verser dans le nombrilisme complet, tant il est concentré sur soi, sur ses problèmes amoureux qui paraissent bien futiles au regard du monde blablabla. Mais justement : c'est cette intensité du regard sur soi qui tend à l'universel total. En s'analysant avec une telle justesse, en comprenant toute l'importance que peut revêtir un instant a priori banal, le type bouleverse et atteint la grandeur. D'ailleurs, il cherche toujours à comprendre en quoi son expérience personnelle peut avoir des répercussions, en tout cas des correspondances avec le vaste monde. Un regard d'une fille qu'on a aimée peut ainsi avoir des rapports avec une sonde américaine, Virginia Woolf et la naissance d'un enfant 10 ans plus tard. Le récit est ravageur, par cette écriture très joliment décrite par Shang, aux rythmes parfaits (de très longues phrases saccadées rythmées par des "et" inlassables, qui ne prennent pas la peine d'être relues, dirait-on, ecrites dans l'urgence ; puis ces scansions sèches qui amènent des contrepoints impeccables, musicaux ; et ces paragraphes tous identiquement courts, qui se terminent par des phrases-coups de poing qui vous font sauter frénétiquement au suivant), par cette profondeur qu'il sait atteindre alors même qu'il narre une banale histoire d'amour fini, un anniversaire. On finit par adhérer complètement à la vision du monde de Bouillier : tout est lié, nous faisons partie d'un monde complexe mais homogène où tout explique tout. Il sait aussi à merveille raconter l'importance que peut revêtir un livre, un bouquet de fleur, une robe orange, une phrase anodine. Et il écrit avec L'Invité Mystère une merveille "d'art contemporain" (si tant est que ce mot ait encore un sens), sous l'oeil bienveillant de la grande Sophie Calle d'ailleurs, qui sait être fulgurant de modernité sans jamais se la pêter. Bouillier n'a à ce jour écrit que 3 courts textes, tous indispensables ; est-ce que ça suffit pour avoir le Nobel ?   (Gols - 20/08/10)

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