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11 août 2010

LIVRE : L'Horizon de Patrick Modiano - 2010

modiano_horizon"Moi aussi, j'ai essayé de construire, au cours de ces dizaines d'années, des avenues à angle droit, des façades bien rectilignes, des panneaux indicateurs pour cacher le marécage et le désordre originels, les mauvais parents, les erreurs de jeunesse. Et malgré cela, de temps en temps, je tombe sur un terrain vague qui me fait brusquement ressentir l'absence de quelqu'un, ou sur une rangée de vieux immeubles dont les façades portent les blessures de la guerre, comme un remords."

Le Modiano nouveau est arrivé - oui, je sais, je suis pas vraiment le premier sur le coup... - et c'est une cuvée qui si elle n'a rien de bien révolutionnaire en soi - une histoire d'amour de jeunesse, quelques individus louches, une disparition - démontre que le Modiano tendrait presque à vouloir échapper à ce flou constant qui lui colle à la peau : une trame qui n'est point faite que de mystères, des blancs entre les paragraphes qui s'estompent, et en prime une conclusion (nannn!!!) pleine de promesses... Un jeune homme, donc, libraire - dans une maison d'édition spécialisée dans les livres sur les sciences occultes (comme un symbole de l'étrange alchimie de la littérature ou des histoires d'amour) - qui croise les pas d'une jeune fille tour à tour gouvernante et traductrice (une gardienne de l'enfance et de la langue, mouais, pourquoi pas). Si les deux personnages ne sont pas du genre à faire des plans sur la comète, ils savent au moins ce qu'ils fuient : lui tente de se défaire tant bien que mal d'une mère collante et quémandeuse, elle d'un étrange individu dominateur qui la hante. Deux individus qui sont comme un refuge l'un pour l'autre, s'accommodant l'un de l'autre au présent à défaut de construire un avenir. Le gars Modiano nous livre tour à tour quelques jolies petites sentences pleines d'une lucidité teintée de fatalisme ("On s'imagine, avec la légèreté de la jeunesse, s'en tirer à bon compte et avoir échappé à une vieille malédiction, sous prétexte que l'on a vécu quelques semaines de tranquillité et d'insouciance dans un pays neutre, au bord d'un lac ensoleillé. Mais bientôt, c'est le rappel à l'ordre. Non, on ne s'en tire pas aussi facilement"), mais sait aussi livrer certaines phrases où une légère pointe d'optimisme finit par se faire sentir ("Mieux valait ne pas en savoir en plus. Au moins, avec le doute, il demeure encore une forme espoir, une ligne de fuite vers l'horizon. On se dit que le temps n'a peut-être pas achevé son travail de destruction et qu'il y aura encore des rendez-vous."). Voilà de toute façon un écrivain qui est à maturité depuis au moins vingt ans et dont la petite musique est si familière qu'on prendrait plaisir à lire chacune de ses nouvelles moutures les yeux fermés - je sais, c'est plutôt retors quand on y songe.      

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