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12 décembre 2007

LIVRE : Les Mange-pas-cher de Thomas Bernhard - 1980

Sans_titreSi Koller avait pris comme toujours le chemin du frêne et non celui du chêne, il n'aurait jamais rencontré les Mange-pas-cher et n'aurait jamais eu l'inspiration nécessaire pour écrire son essai sur la physiognomonie ; et on n'aurait jamais eu droit à ce nouveau chef-d'oeuvre du plus grand écrivain du XXème (avec une poignée d'autres, ok). Tout est résumé dans la phrase précédente pour ce qui est de la trame proprement dite du livre, si on peut appeler trame cette inlassable répétition des mêmes mots, cette traque continuelle de l'agencement des mots, des rythmes des phrases. Car, fidèle à son style hallucinant, Bernhard revient sans cesse sur les pas de sa phrase précédente, pour en fouiller les résonances, pour en extraire le sens. On a droit donc à un long texte sans paragraphes, fait de syntaxe heurtée, tournant entièrement autour de cette seconde cruciale où le héros, Koller, bernhardien à mort dans sa misanthropie sévère, rentre dans la cantine pour les pauvres et rencontre un groupe de dîneurs. La verve toute littéraire des Mange-pas-cher, alliée à une violence verbale implacable, finit par dessiner en creux le portrait d'un échec, le constat d'une solitude faite d'érudition sclérosante, de désespoir et d'amertume. Comme dans La Cave, comme dans Béton, comme dans Des Arbres à abattre, Bernhard utilise l'hypnose, la spirale des sons et des sens, pour délivrer son constat d'une société qui anihile toute tentative d'évasion, pour cracher joyeusement sur les hommes et leurs pitoyables actes. Nulle tendresse n'émane de ce livre brutal : juste un jeu ravageur sur les frustrations, les complexes, les rapports de domination qui font les relations humaines. Le texte enferme, agit comme un filet, ou plutôt comme une bonde dans laquelle est aspiré le lecteur, incapable de trouver la moindre soupape dans ce délire de mots. C'est incroyable de force et de précision, et rendu avec génie par le traducteur (que je cite, pour que Dieu l'accueille parmi les siens à l'heure du Jugement : Claude Porcell)

"Celui qui ne consacrait pas très tôt déjà une grande partie de son énergie exclusivement à s'arc-bouter contre la folie de la masse était de manière inexorable livré à l'abrutissement, selon lui. (...) La vie ou l'existence n'étaient rien d'autre, selon lui, que la tentative désespérée, incessante et de fait ininterrompue, de se sauver de tout à tous les égards possibles vers l'avenir, qui n'ouvre jamais qu'encore et toujours cet identique processus mortel infini."

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