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10 avril 2007

LIVRE : Malone meurt de Samuel Beckett - 1948

Sans_titreSi Molloy arrivait encore à se traîner sur ses avant-bras pour aller on ne sait où, Malone, dans le deuxième volet de la glaçante trilogie beckettienne, est cette fois totalement immobile (avant l'effacement complet de L'Innommable). Confiné dans l'espace de son lit, il n'a pour seul horizon que les parois de sa chambre-cerveau, et deux ou trois objets dont il fait pitoyablement l'inventaire : un pot de chambre, une chaussure jaune, un bâton... et surtout un cahier et un crayon, qui lui permettront de se livrer à sa dernière oeuvre avant de mourir : écrire. A partir de ce moment-là, Beckett va opérer d'incessants va-et-vient entre les pensées agonisantes de Malone et les "aventures" pitoyables et étranges de Macmann.

Inutile de rappeler que Beckett est le plus grand écrivain du XXème, si ? Malone meurt est au-delà du chef-d'oeuvre, un bouquin-bilan, à la fin duquel on se demande bien ce qu'on pourra lire ensuite, tant tout ne peut que paraître faible à côté de ça. En tout cas, si on veut approcher un peu l'écriture de ce génie, autant commencer par ce livre-là, où tout l'univers de Beckett est en place et trouve son meilleur développement : humour horrible, réflexions sur l'écriture, tendances morbides, désespoir insupportable, et surtout style effarant : chaque phrase est travaillée en orfèvre, jamais on ne peut en trouver une qui soit plus faible, moins pensée, moins parfaite dans les rythmes.

Un exemple ? "Oui, voilà, je suis un vieux foetus à présent, chenu et impotent, ma mère n'en peut plus, je l'ai pourrie, elle est morte, elle va accoucher par voie de gangrène, papa aussi peut-être est de la fête, je déboucherai vagissant en plein ossuaire, d'ailleurs je ne vagirai point, pas la peine. Que d'histoires je me suis racontées, accroché au moisi, et enflant, enflant." Voilà un gars qui sait ce qu'est la mort, qui en parle avec un rictus terrifiant, mais aussi avec un humour impeccable (pour peu qu'on aime l'humour à la Desproges, à la Pasolini). La structure même des phrases pue la mort, avec ces brusques coupures à l'intérieur d'un mouvement, avec ces mots laissés en suspend, avec les incursions soudaines du narrateur critique dans son récit, avec ce langage qui s'efface petit à petit (les dernières pages sont immenses). Impossible de hurler assez fort ma joie de lire Beckett, et toute la puissance que ses mots envoient. La vie est une horreur, pas inutile de le rappeler de temps en temps, et surtout avec ce génie total.

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