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19 juin 2006

LIVRE : Traversée de Louis Calaferte - 1990

travers_e1"Moi, le misanthrope, l'homme de retraite, du retranchement, de l'exil volontaire, je suis néanmoins celui qui, avec compassion, vous aime dans le tragique de vos destins."

Le douzième tome des Carnets de Calaferte, comme on le voit, est toujours comme un tomahawk dans ta face. Comme dans ses 11 glorieux prédecesseurs, on retrouve cette intransigence précieuse, cette anarchie salutaire, cette solitude sans concession qui me met toujours tellement en joie. Louis, tu m'as sauvé la vie, il faudra bien que je finisse un jour par le reconnaître. Encore une fois, il touche en plein coeur, là où ça fait mal, là où nos petits compromis d'êtres humains vains deviennent des hontes, là où nous souhaiterions être grands et beaux alors que nous ne sommes que des merdes molles. S'il y en a un qui ne s'est jamais vendu, qui est resté toujours à cette vision spartiate et noble de la littérature, c'est bien le père Calaf. Ses mots sont d'une sincérité désarmante, son introspection toujours fouillée et vraie. On se sent quand même bien petits après la lecture de ces notes fières et en-dehors de tout. Pauvres de nous, qui étions prêts à céder aux sirènes du politiquement correct et de la beauté fabriquée. Traversée est encore une fois une leçon, une mise au point qui, comme chaque année, tombe à point nommé pour remettre un peu les compteurs à zéro. Loué sois-tu, encore une fois, Louis.

Cette année 1990, malheureusement, voit une sérieuse dégradation de la santé du gars, et c'est bien dommage car, entre les virulences d'antan, se glissent des angoisses de la mort, des faiblesses physiques qui handicapent le style violent et ferme habituel. Du coup, Calaferte se tourne de plus en plus vers Dieu, la mystique, l'explication religieuse de la vie et de l'existence. Et là, j'avoue que ce ne sont pas mes passages préférés. Autant j'admire totalement l'intelligence de l'auteur quand il plonge dans les arcanes d'un Kierkegaard ou dans les rapports entre l'art et la vie, autant ses débordements chrétiens me semblent être des fuites, des moyens un peu faciles de justifier une souffrance, une injustice, une peur. Même si ces passages restent très puissants dans l'écriture, ils sont un peu gênants quand on sait que leur auteur a pondu le nihiliste Requiem des Innocents ou le froid Promenade dans un Parc. Mais baste : un homme qui souffre a le droit d'avoir ses points de fuite, et ces morceaux sont amplement compensés par des notes sublimes sur sa femme, sur les fleurs, sur un homme qui rêve dans la rue, sur la peinture ou la création. La  violence se tait un peu, l'apaisement arrive, et le silence, et la sérénité. Tant mieux. Il était temps, sûrement, que la haine des hommes se transforme en épurement du regard. Louis, je t'aime.

Commentaires
S
Je n'oserais m'immiscer dans une discussion calafartienne avec l'ami Gols (je me suis arrêté au 4ème tome du journal... faute de munitions) mais ne pourrais que recommander la lecture de Septentrion que Gols m'avait fait découvrir avec Le Démon de Selby et qui reste deux souvenirs de lecture énormes... Sur la solitude et les écrivains proches de la folie me vient comme ça qu'un type comme J.K. Toole (La conjuration des imbéciles) qui semble avoir eu une certaine tendance anti-sociale et des difficultés à se faire comprendre (et publier...)... Enfin sur Robinson Crusoë vous devez être Dood très au fait des multiples versions, notamment les toutes premières, car il s'avère que je m'étais un peu penché sur le problème lorsque j'étais à Madagascar quelqu'un me racontant que "la première version" était inspirée d'un naufrage sur la côte Ouest de l'île... N'ayant jamais eu cet ouvrage entre les mains, je ne peux que relever l'anecdote, vous en savez sûrement plus que moi sur cette histoire. Voilou.
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D
Merci pour tout! Je vais creuser ces pistes pendant ces semaines à venir.
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G
Oh, et bien sûr, concernant l'isolement, deux chef-d'oeuvres de Jacques London, des nouvelles sublimissimes qui vous font oublier tout le reste : L'amour de la vie, et Construire un feu.
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G
- pour les Calaferte, oui, lisez-les pour le plaisir, c'est la seule vraie façon de l'apprécier pleinement. Ravi de lui avoir fait un lecteur de plus.<br /> - il me vient en tête un texte très drôle sur l'isolement. Je ne sais pas du tout si ça correspond à vos recherches, mais tentez de lire Petites Fêlures de Claude Bourgeyx (ed. Castor Astral). Un homme seul raconte sa vie, et sa solitude le fait fantasmer son quotidien. c'est très bien écrit, drôle, et presque roalddahlien.<br /> - pour le Rivette, vous me posez une colle. Je confirme que le nom de Dahl n'est pas au générique. Le scénar est de Chabrol, Bitsch et Rivette. Mais c'est strictement la même histoire que le Hitchcock en question. Peut-être que Rivette, fauché à cette époque (1956, un de ses premiers courts-métrages), n'a pas voulu payer les droits d'auteur, le coquin. En tout cas, c'est bien la même histoire.
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D
pour cette longue et détaillée réponse - qui me satisfait sur toute la ligne! Je vais m'initier dès que possible en Calaferte. Je constate néanmoins que pour le travail sur l'isolement c'est fichu, je cherchais des gens qui sont tout seuls tout seuls mais vraiment tout seuls, genre ermites, naufragés etc. Le tout, pour déterminer les effets sur l'équilibre mental... je le lirai donc pour le plaisir! (au passage, si vous avez des idées de films ou de livres mettant en scène des personnages dans de telles situations - à part Robinson et ses multiples avatars et/ou versions! - je vous en serais plus que reconnaissant: je souffre cruellement du manque de références!)<br /> Dans un tout autre registre, j'ai cherché sur le net les détails du Rivette que vous mettez en relation avec le Hitch "Mrs. Bixby and..." (car celui-ci, aussi bien que "Lamb to the slaughter", sont tirés des nouvelles de Roald Dahl, un de mes auteurs préférés, et tout ce qui le touche m'intéresse); la référence au grand Roald n'apparaît point. S'agit-il vraiment de la même histoire ou il y a juste quelques points en commun?<br /> Je vous remercie encore une fois pour votre aide.<br /> D.
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