LIVRE : Education Européenne de Romain Gary - 1945

Education Européenne a tous les défauts des premiers livres, à commencer par l'écrasante influence de ses glorieux prédecesseurs. Gary a potassé Pour Qui sonne le glas de façon un peu trop voyante : mêmes dialogues dans le rush (mais qui n'arrivent pas à la cheville d'Hemingway, même dans la pourtant jolie scène de sexe), même sécheresse de style pour décrire l'action et les personnages, même sujet,... Il a également bien appris son petit Malraux illustré, et là aussi il a du mal, malgré ses tentatives à atteindre la puissance du maître. Son bouquin est un peu trop solennel là où Malraux était universel et immense. Enfin, l'influence russe est énorme aussi, Gogol peut labourer le cimetière.

Mais Education Européenne est quand même très attachant. D'abord parce que la sincérité transparaît partout. Gary est un bon gars. Il est franc, sensible et courageux. On sent que, passé ces comparaisons avec ses modèles, il écrit en totale communion avec ce qu'il pense, sans trucages, sans poses. Et ça, c'est la marque des grands, et ça se confirmera dans les quelques chefs-d'oeuvre qu'il nous pondra plus tard. Et puis il y a ces 5 ou 6 nouvelles enchâssées dans le récit principal, maladroitement certes, mais qui, prises comme telles, sont magnifiques. Peut-être qu'il aurait dû commencer par écrire un recueil de nouvelles avant de s'attaquer à ce gros sujet de la Résistance, trop gros sujet pour un jeune auteur sans expérience.  Les personnages sont vraiment bien dessinés, puissants chacun à sa façon, pitoyables ou héroïques, petits ou immenses.

Un bon livre si on connaît déjà Gary. Si on ne le connaît pas encore, un bon livre quand même.