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19 octobre 2023

LIVRE : L'Enfant dans le Taxi de Sylvain Prudhomme - 2023

"J'ai failli en rire tellement c'était énorme. Tellement tout tremblait de toutes parts au même moment. Qui aurait pensé il y a huit mois encore que tout cela arriverait. C'était fou. Et d'une certaine façon aussi c'était revigorant. Savoir que pareille volte-face de l'existence demeurait possible, à tout moment".

L-enfant-dans-le-taxiJe prends le relais de l'ami Gols sur les ouvrages de Prudhomme et bien m'en a pris puisque cette lecture s'est révélée aussi agréable que convaincante. Il est question ici des amours passées (et enfouies) du grand-père du narrateur. A l'heure de sa mort, le narrateur aimerait retrouver la trace de ce fils, ce "bâtard" que son aïeul eut avec une jeune fille de la campagne lorsque ce dernier, à la fin de la dernière guerre, résida quelques semaines en Allemagne. Qu'est-il devenu, pourquoi une telle omerta plane ? Alors même que le narrateur vit des temps un peu difficiles (une séparation avec sa compagne : bien que cela s'effectue tout en douceur et en compréhension réciproque, le fossé se creuse irrémédiablement), il tente de revenir aux racines de son clan, à ces choses secrètes que toute bonne famille française qui se respecte essaie de cacher depuis la nuit des temps. Il fait sa petite enquête personnelle, trouve des alliés au sein de sa famille-même et tente de creuser le sillon malgré les mises en garde de la mater familias, la femme du défunt... A l'aide de grandes phrases rendant tout le flot des émotions qui se débloquent soudain, Prudhomme tente de rendre vivants les récits que certains des éléments de la famille rapportent soudainement sur ce mystérieux M., cet enfant d'outre-Rhin... Questionnements sur ce passé dans l'ombre, questionnements sur cet avenir ombragé (notre narrateur, suite à l'échec de sa propre relation, se demande si l'amour n'est pas en train de lui échapper à jamais...), période de doutes en forme de bilan à mi-chemin (ou tiers-chemin, cela ne change rien) de la vie, cette histoire narrée avec précision et une belle sincérité nous offre une petite balade plaisante au cœur même de ces familles françaises à multiples branches (les fêtes annuelles réunissant le clan sont des passages obligés) mais aussi une petite balade géographique et historique : un conflit dont les retombées ne cessent encore de se faire ressentir, semblent même inépuisables. Prudhomme décrit avec une belle justesse les petites émotions qui submergent son narrateur pris entre son histoire personnelle qui se délite et cette histoire familiale lourde de non-dits - "Je voudrais vivre dans un monde où les choses puissent se dire en face, la vérité s'affronter. Où chacun de nous soit assez libre et fort pour accueillir la liberté des êtres qui l'entourent". On ne saurait mieux conclure...  (Shang - 07/10/23)


Eh oui, notre Sylvain Prudhomme est toujours autant l'homme de la situation quand il s'agit de mettre des mots sur ces minuscules émotions qui font une existence, ces tout petits tournants qui forgent une vie. J'avoue avoir grimacé au début : s'il y a bien un sujet dont je me cogne, c'est celui des racines, de la recherche familiale, etc, et Prudhomme semble partir sur ce terrain-là. On serre les dents et on continue et petit à petit, la magie opère. Parce que, finalement, ce n'est pas tant la recherche de ce fameux M. qui importe (et le gars la botte carrément en touche d'ailleurs) que le processus de compréhension de la psyché familiale. Et c'est beaucoup plus intéressant. Avec bienveillance et sensibilité, le livre creuse des personnages qu'on connait tous, et qui sont transcendés par la plume émotive de l'auteur : cette mère qui refuse de rediscuter son passé, cet homme d'un deuxième mariage, pièce rapportée de la famille, qui va avec sa modestie amener le bouleversement dans l'âme du narrateur, cet oncle inconnu que le texte fantasme : tous sont scrutés avec amour, avec une humanité toujours présents dans le texte. Ce regard tendre et cette acuité de sentiments compense une écriture pas toujours très maîtrisée : il faut s'appeler Mauvignier ou Lang pour se permettre de jongler comme ça avec les phrases longues, les entrelacs de points de vue au sein d'une même phrase, la ponctuation ; or Prudhomme n'est pas Mauvignier ni Lang. Il abandonne d'ailleurs assez vite ces ambitions, concentrant sur son premier chapitre toutes les acrobaties stylistiques. Après il se calme et il fait bien. Car alors, la (fausse) simplicité d’exécution lui permet de laisser libre cours à une écriture minutieuse, très touchante, qui brasse de vastes pans d'intimité avec l'air de ne pas y toucher. Et là, on se surprend plus d'une fois à être bouleversé par ces petites scènes, avec son ex-femme, avec ses enfants, avec un de ses aïeux, ou simplement seul au volant de sa bagnole. La justesse psychologique, qui se fait sans crânerie, est totale, et on ressort tout chose de cette lecture profonde sans supériorité. Très joli roman.  (Gols - 19/10/23)

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