Christmas Carole d'Agnès Varda - 1966

Toujours plus loin dans le pointu, voici quelques traces d'un film de Varda jamais réalisé, faute de producteurs. Eh bien les bougres avaient vraiment de la fiente dans les yeux pour ne pas voir que ces quelques images-là contenaient en elles tout le génie d'un nouveau cinéma, d'un ton original à mort. Trois potes fauchés, deux garçons et une fille, errent dans les rues de Paris à Noël, quémandant mollement un franc ou deux, bavant devant les vitrines, devisant sur la gentillesse des patrons de boite ou la possibilité du triolisme. Outre une sorte d'humour désabusé franchement irrésistible, surtout porté par un Depardieu pré-Valseuses déjà complètement inspiré, on y repère une sorte de ras-le-bol de la jeunesse face au consumérisme, une poésie sauvage qui naît des trottoirs et de la foule, et surtout un style déjà très en place : des cadres précis, des idées gentiment fantaisistes (le visage déprimé de l'actrice cadré dans le O de "JOYEUX"), une belle photo. Le film est contestataire et visionnaire, annonçant un certain mois de mai, agréablement pop et poétique, un peu à la Godard des années 60, et déjà libéré : il y a dans les réflexions des deux garçons sur l'amour quelque chose d'à la fois touchant et amer, en tout cas de profondément jeune. En quatre minutes, Varda se dévoile, révèle Depardieu, joue les prophètes et propose un portrait saisissant de la jeunesse de son époque : qui dit mieux ?

Vena Vida Varda