LIVRE : Et vous passerez comme des Vents fous de Clara Arnaud - 2023

Après avoir sillonné les continents (notamment la Chine dont il est question dans l'un de ses livres de voyage) et livré deux romans, l'un en terre africaine, l'autre en terre sud-américaine, Clara Arnaud pose ses bases... en Ariège et elle fait bien - quoi de plus exotique que sa propre terre natale après quelques années de transhumance ?... Il sera question ici d'ours et d'ourse et de la sempiternelle bataille dans les Pyrénées entre pro-ours (scientifiques et écologistes) et anti-ours (les éleveurs en règle général). On connaît le problème, reste à savoir l'issue du combat : l'ours peut-il encore faire le malin face à l'homme ? Bon, je vois à votre tête que ce n'est pas gagné mais là n'est peut-être pas l'essentiel. L'essentiel, pour l'écrivaine, semble-t-il, est surtout de faire partager à la fois ce sentiment de plénitude d'être berger, cette nécessité, ce besoin de faire corps avec la montagne et avec ce troupeau de bêtes parties paître sur les sommets (de plus en plus grillés, les sommets... rien ne s'arrange climatiquement, on le sait), tout comme celui d'être un ou une passionnée de ces bêtes à poil et de les observer (ou de tenter de les observer) dans leur élément naturel - là aussi, contact avec la nature, patience, sentiment gionesque de revenir à la terre (et ses habitants sauvages) et à la joie qu'elle procure. Une fois de plus, on sent dans le récit de ces deux trajectoires (qui ne se croiseront finalement que peu), tout le souci du détail (ce sentiment d'immersion dans le milieu et sa connaissance sont une fois de plus évidents), aussi bien dans la description de cette nature pyrénéenne (faune et flore), des comportements troublants de cet animal (le mâle, ce malotru), que dans les sentiments contrastés (douceur et douleur parfois de la solitude) que peuvent éprouver ces deux amoureux de la nature. C'est en cela, sûrement, que résident les principales qualités de cet ouvrage qui nous plonge littéralement au sein de cette nature si douce et de ces tensions si bêtasses entre pro et anti ours. Le suspens, la trame principale (cette ourse qui pioche dans le troupeau s'en sortira-t-elle indemne ?), sont finalement, un peu secondaires (trop ?) par rapport à ces deux portraits très attachants qui prennent vie sous nos yeux (+ un en bonus, celui d'un montreur d'ours il y a un siècle de cela - récit un peu moins captivant). Roman purement écologique sans chercher à donner de petites leçons faciles (chacun des deux protagonistes est en proie à ses doutes et questionne ses limites), c'est sans doute l'aspect le plus réussi de ce dernier opus dans lequel on s'évade à défaut de se perdre totalement.