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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
21 juin 2023

SERIE : The Days de Jun Matsumoto - 2023

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Tchernobyl avait eu droit à sa série, il était normal que l'autre "scénario catastrophe" nucléaire ait la sienne. C'est les Nippons qui s'y collent eux-mêmes s'appuyant sur les déclarations du directeur de la centrale, sur les rapports de la TOEPCO (l'organisme gérant les centrales au Japon) et sur un travail journalistique de taille (une centaine de personnes ayant été présentes sur le site lors de ces journées d'enfer ont été interrogées). Petite cerise sur le sushi, ce n'est autre que Kôji Yakusho, tout récemment auréolé de son prix à Cannes, qui incarne ce directeur de la centrale avec toute son humanité et ses nuances. C'est parti donc pour huit épisodes qui vont prendre tout leur temps pour évoquer les enchainements inattendus et infernaux de ce tremblement de terre, puis du tsunami, puis de la panne générale d'électricité, puis de ces quatre réacteurs en surchauffe... Une course contre la montre pour éviter que la moitié du Japon soit rayée de la carte. On pourrait simplement se demander pourquoi avoir mis des centrales dans une zone sismique, pourquoi les avoir placées en bord de mer, pourquoi ? Ces questions seront rapidement évoquées sur la toute fin (du siècle de la pleine croissance au siècle... de l'effondrement d'un système qui ne veut pourtant toujours pas abdiquer...) mais pour l'heure, comment gérer ce marasme alors même qu'aucune simulation jusqu'alors n'avait pu prévoir ce scénario ? C'est bien dommageable, mais il est trop tard pour se ronger le sang, il faut agir...

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On suit différents points névralgiques, la salle de contrôle avec tous ses petits appareils en panne d'électricité, toute proche du site, le bâtiment anti-sismique où le directeur avec la plupart des employés a trouvé refuge et coordonne les actions, juste à côté du site, sur les hauteurs, la salle de coordination de la TOEPCO avec ses chefs hystériques et souvent inefficaces, ou encore le bureau du premier ministre, pas un commode mais pas non plus un foudre de guerre pour faire avancer le schmilblick... On sent bien dès le départ une certaine scission entre les hommes sur le terrain, pragmatiques et prêts à se sacrifier (le Jap, éternel bon petit soldat qui se soucie du bien de tous), et les hommes de pouvoir, les fameux "responsables", qui perdent vite leurs nerfs, plus capables de gueuler sur les sous-fifres que d'apporter des solutions (tout le drame de notre époque ? Bah je dis ça...). Des tensions palpables tout du long alors même que sur le terrain, chaque heure quasiment, un problème de taille doit être réglé : comment pallier à la défection des appareils de mesure, comment s'assurer de l'approvisionnement en eau pour refroidir les cuves, comment ouvrir des vannes manuellement pour empêcher que la pression fasse exploser les réacteurs, comment travailler dans certains endroits alors que les fuites dépassent l'entendement, comment déblayer simplement le terrain après le bordel du tsunami, comment assurer la protection des travailleurs... Le directeur doit bien souvent prendre des décisions cruciales, doit trancher, sans sacrifier des hommes, tout en prenant des risques certains afin d'éviter le pire : l'abandon total du site et l'explosion successive des quatre réacteurs. C'est coton, il faut parfois avancer sur des œufs, cela prend du temps de préparer chaque homme qui court peut-être à sa perte (il y a qui plus est encore des répliques, des explosions sur le site...), chaque mission révélant sa petite dose d'imprévus : il faut garder la tête froide alors que tout part résolument en couilles. Plus le temps des courbettes (quoique), plus le temps de garder toujours la face (...), plus le temps de.

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Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il n'y a pas quelques épisodes de "transition" qui font un peu durer le plaisir... C'est parfois un peu répétitif, voire un poil longuet, même si tout cela reste au service de la fidélité aux événements... Il est tout de même très appréciable de voir comment on prend le temps pour nous expliquer certains détails techniques sans nous prendre pour des andouilles et comment on prend le temps pour rendre toute la mesure de cette tension ultra-palpable sur plusieurs heures, plusieurs jours ; c'est le destin d'un pays tout entier qui se joue, grandeur nature... Kôji Yakusho incarne à la perfection ce sens de la nuance, ce côté à la fois héroïque (jusqu'au bout du bout, toujours y croire) et rebelle (de l'art de se gratter le cul au moment opportun), ce sens de la discipline, du respect des autres, de la prise d'initiative... C'est presque too much (sont chiants ces Nippons avec leur dévotion les uns envers les autres, diable... on n'a plus l'habitude en nos contrées) mais cela reste contrebalancé en un sens par un portrait relativement acide de ce pouvoir, de ces hommes de pouvoir pas toujours au taquet. Le réalisateur sait utiliser avec parcimonie le ralenti aux moments-clés, ceux où une décision peut faire tout basculer, une action tout changer : s'arrêter quelques secondes sur des visages, sur des regards lourds de sens, sur des gestes qui seront peut-être les derniers... Le doute est permanent même s'il ne devrait avoir sa place ici : c'est un one shot en permanence et ce n'est malheureusement pas de la fiction... Des acteurs au niveau, un sens de la reconstitution bluffant, un montage qui alterne prises de bec, amitié virile et solidarité, et moments palpitants, une série sérieuse et documentée (faisant plus la part belle aux bonnes décisions qu'aux foirages ?... bah, allons) qui donne une idée un peu plus précise de ce qui se joua en ces journées terribles de mars 2011 loin des approximations intersidérales des médias et des discours politiques rassurants à la con. Un bon noyau dur.

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