Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
21 juin 2023

Outrages (Casualties of War) de Brian de Palma - 1989

Sans titre

Toujours considéré ce film comme le sommet du De Palma "classique" (entendez sans virevoltes de caméra et split-screens toutes les deux secondes) ; je confirme en ce jour. En tant qu'anti-militariste fervent issue de la contre-culture des années 60, celle qui a donné Woodstock en gros, le bon Brian y dépeint tout crûment les horreurs de la guerre, la folie qui a pu s'emparer des gamins envoyés au Vietnam sans aucune barrière de sécurité, abandonnés à eux-mêmes face aux violences de la guerre. Le résultat est un film profondément tourmenté, qui montre une Amérique encore hantée par le cauchemar de cette guerre inutile, une Amérique qui a fabriqué toute une génération de mecs fêlés et du même coup une civilisation de la violence.

Outrages-Casualties-of-war-De-Palma-26

Mark (Michael J.Fox, impressionnant de sobriété et de "normalité") est un jeune bleu envoyé au Vietnam, où il compte bien vivre de l'aventure et s'instruire aux côtés des autochtones. Il tombe sous les ordres de Tony Meserve (Sean Penn, tout en roulements d'épaules et en moues viriles), un gosse que la guerre a détruit, un bloc de violence et d'autorité, l'opposé en quelque sorte de notre jeune recrue. Frustré sexuellement, hanté par la violence, avide de vengeance après la mort d'un de ses potes, Meserve décide d'organiser l'enlèvement d'une jeune Vietnamienne, qui servira d'esclave sexuelle et de défouloir au peloton. Des 5 soldats présents, seul Mark refusera de violer la prisonnière, mais en laissant agir ses camarades, il se trouve obsédé par un sentiment de culpabilité qui le mènera jusqu'aux extrémités...

img

Le film s'ouvre sur une scène d'aujourd'hui : Mark y croise une jeune Vietnamienne, puis s'endort (?) et se retrouve plongé dans la jungle 15 ans plus tôt. Le film devient alors une plongée mi-réaliste, mi-onirique dans le conflit du Vietnam. La première séquence pose son bonhomme : la mise en scène extraordinaire de De Palma s'y déploie lors d'une scène de combat dantesque. Montage au millimètre, vision ample de l'action, suspense diabolique, et définition subtile, au sein du chaos, des personnages, tout est parfait, jusqu'à cette belle idée d'avancée en parallèle de la caméra, entre l'extérieur où les explosions s’enchainent et le sous-sol, où des Vietcongs rampent dans un tunnel pour poignarder l'homme qui y est tombé. Une sorte de split-sceen naturel, finalement, qui montre l'invention formelle impressionnante du metteur  en scène. Le fil déroulera alors sa spirale de violence étouffante tout au long d'un métrage éprouvant, fort en scènes spectaculaires : l'enlèvement de la prisonnière, franchement déchirant ; son viol, une école de placement de caméra, de montée de l'émotion, de malaise, d’images traumatiques ; les confrontations entre Penn et Fox, modèle d'écriture qui montre deux conceptions de la vie s'affronter ; la tentative d'évasion de Mark avec la jeune femme, qui pointe la faiblesse finalement de cet homme qui n’arrive pas à être un héros ; l'assassinat de la prisonnière, où on retrouve l'esprit baroque et sans concessions de De Palma.

outrages-photo40-©-1989-columbia-pictures-industries-inc

Il y a aussi maintes scènes de caserne où le montage est toujours soigneusement géré, où la caméra se place toujours à la bonne distance, où les effets sont toujours pertinents (ces "vrilles" de caméra dès que la situation devient folle). L'écriture des personnages, pour une fois, est moins bourrine que dans certains autres films du maître, et on voit derrière le jeu cabotin de Penn ou les grimaces de ses comparses (parmi lesquels un tout jeune John C.Reilly) des hommes faibles, des enfants, des gens complètement perdus par la violence. Enfin, petite cerise sur le gâteau, la musique de Morricone, flutes de Pan et orchestrations puissantes à l'appui, finit de compléter un tableau formel magnifique. On est littéralement happé par la narration fluide de ce film, par son génie visuel, par la profondeur des personnages, par les sentiments très tristes que ça véhicule, par le portrait de l'Amérique véhiculée par ce nihiliste de De Palma. ET on n'en sort qu'à la dernière minute, avec cette belle scène résiliente qui amène enfin, après deux heures d'enfer, un peu de réconfort au spectateur (et à Mark). Un grand film hanté.

Sans titregg

Des Palmes pour De Palma

Commentaires
Derniers commentaires