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9 septembre 2022

Solo de Jean-Pierre Mocky -1970

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Il est bon de temps en temps, ne serait-ce que pour confirmer qu'il faut de tout pour faire un monde, de se taper un film de Mocky. On a beau être à chaque fois consterné, on doit reconnaître que le bougre a un ton personnel, une façon unique de bâcler faire ses films. Surprise : Solo est un peu mieux que les autres, même si on se marre tout du long devant l'incompétence technique du gars couplée à une auto-satisfaction impayable. Offusqué par les notables qui nous dirigent et qui nous polluent la vie en s'empiffrant comme des porcs sur le dos du prolo, Jean-Pierre enfile son armure et ses chausses et réalise un film dont les bourgeois devraient avoir du mal à se remettre, nom de Diou. Tirant à vue et pendant le nanti avec les tripes du parvenu, il trousse un polar poisseux sur fond d'activisme anarchiste du meilleur effet. Première scène : un gang armé débarque dans une villa où a lieu une partouze endiablée et dézingue tout le monde, prostiputes et vieux cochons. Mocky en profite pour lorgner de la fesse, y a pas de petit profit, et rate jusqu'aux impacts de balles, petits scotchs rouges posés sur des acteurs qui jouent les morts comme je joue au base-ball. Mais bon, ok, le montage est dynamique, l'atmosphère excessive, pourquoi pas. Très vite, on apprend qu'est responsable de cette affaire un groupuscule d'étudiants qui en ont soupé des grabataires, avec à leur tête Virgile, jeune garçon exalté issu de la désillusion de mai 68. Celui-ci se planque, et le grand frère (Mocky himself) part à la recherche du fuyard pour tenter d'empêcher un deuxième attentat qui aura lieu à Paris. Les flics (salauds !), malins comme des singes, arriveront-ils avant, assurés qu'ils sont de l'appui des médias (ordures !) et de la populace bien-pensante (fascistes !) ? Ou Vincent arrivera-t-il à mettre la main sur son frère avant l'échéance fatale et malgré ce curieux pincement de nez que Mocky a l'air de trouver super classe (une proposition de jeu, comme on dit). Son modèle semble être Clint Eastwood, cow-boy solitaire et séduisant au grand cœur, et il traverse le film avec un air de chien battu qui a fait ma joie.

Solo-1970-3

Dans un montage parallèle assez réussi, on suit donc la cavale de nos deux frangins, le premier arqué sur sa volonté d'en découdre, le second avide de calmer ses ardeurs et jouant les grands frères moralistes avec un petit côté désespéré. Il y aura des explosions, des fusillades, des rendez-vous clandestins et de la fesse féminine désirante, comme dans tout bon polar. Il y aura du drame et du cadavre, du sexe et du suspense. Il y aura tout ça, mais présenté dans une bouillie visuelle assez fascinante. Mocky est infoutu de monter correctement une scène d'action, et ne me faites pas croire qu'il n'a pas les moyens : c'est juste que, plaçant strictement sa caméra là où personne ne l'aurait mise (c'est sa fierté, que voulez-vous), à savoir au mauvais endroit, il rate complètement son montage et ses points de vue. Les acteurs secondaires, littéralement en-dessous de tout (à ce niveau-là c'est du foutage de gueule) gâchent tout le reste. Et puis le ton anar de Mocky est balancé avec des louches en trop, Boisset est un modèle de modération à côté. Dialogues ridicules prononcés par des acteurs amateurs, manichéisme à tous les étages, musique lancinante de Moustaki qu'on a envie d'égorger tel un musicien de rue moyen, style à la Ed Wood dans les scènes d'action, moi je dis au secours.

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Mais malgré ça, vous allez rire, mais j'ai trouvé le film curieusement attachant. Parce qu'il respire la sincérité à chaque plan ; parce que Mocky, même pauvre comme Job et même totalement dépourvu de talent, possède un amour du cinéma et une volonté farouche de faire des films coûte que coûte, et que ça force le respect ; parce qu'il a envie d'un hommage aux films américains, et qu'il va jusqu'au bout pour le faire, même tout borgnole ; parce que ça et là, au milieu de ce brouillon gloubi-boulguesque il y a de vrais moments de cinéma, des éclairs furtifs d'inspiration, qui montrent que s'il s'était sorti un peu les doigts, Mocky aurait pu être un honnête cinéaste. Foutu destin, foutue fainéantise...

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